samedi 29 décembre 2018

Pourquoi faire de la philosophie quand on est chrétien?


Dans mon article inaugural, Mon blog et votre blog, j'ai indiqué que nous ferions ici de la philosophie, de l'apologétique et de la théologie.

Que sur un blog catholique l'on fasse de l'apologétique, quoi de surprenant? Que l'on s'adonne à la théologie, quoi de plus normal? Le chrétien a pour mission de défendre la foi et de l'expliquer. C'est dans l'ordre des choses. Mais la philosophie?... Pourquoi faire de la philosophie sur un blog chrétien? Quel intérêt peut-on y trouver? En quoi cela peut-il nous aider à fortifier notre foi - et à évangéliser?

Il faut d'abord s'entendre par ce que nous appelons "philosophie". La philosophie n'est pas cette matière littéraire que l'on nous enseigne en classes terminales par l'étude de textes de divers auteurs de toutes cultures, langues et époques. On ne ressort en général de cette formation qu'avec un peu de culture générale et quelques points de repères utiles pour se forger ses propres opinions sur quelques grands sujets ayant animé les philosophes de tous les temps. La philosophie enseignée dans les écoles françaises ne vise pas à nous communiquer des certitudes, mais à nous mettre au contact de diverses opinions afin que nous puissions nous forger la nôtre - toutes les opinions étant recevables pourvu qu'elles soient intellectuellement fondées. Bref, on ne cherche pas la vérité - on apprend simplement à justifier nos points de vue, tous les points de vue se valant relativement les uns les autres.

On oublie que la philosophie, originellement, est une démarche de recherche de la vérité qui revendique pour elle le nom de "science" ; une discipline intellectuelle extrêmement exigeante qui s'efforce de penser le monde en se mettant humblement à son écoute dans un rigoureux respect des lois de la logique rationnelle. C'est de la philosophie, du reste, que sont nées les sciences positives - qui constituent une branche de la philosophie en tant qu'elle s'applique à l'étude de la seule matière.

La finalité de la philosophie est de nous instruire sur le réel, de nous communiquer des certitudes, d'atteindre à la vérité - comme n'importe quelle science.

La philosophie ainsi entendue ne peut qu'être d'un grand secours pour parler des choses de la foi. Car la foi présuppose connues et acquises un certain nombre de vérités philosophiques. Par exemple, qu'il est possible pour l'homme d'atteindre à la vérité sur la réalité objective - contre l'agnosticisme et l'idéalisme. Ou encore que Dieu existe - contre l'athéisme.

La question de l'existence de Dieu fait partie des vérités philosophiques présupposées par la foi. Je ne puis accorder ma foi en un Dieu dont j'ignore s'il existe. La question de l'existence de Dieu est donc préliminaire à toute démarche religieuse - elle ne relève pas, en droit, de la foi mais de la raison.

La foi réside dans la confiance en Dieu - à qui nous reconnaissons une autorité pour nous enseigner -, et dans le libre consentement au contenu de la Révélation qu'Il nous a faite. Elle n'est donc pas à confondre avec la simple croyance en l'existence de Dieu. Je n'ai pas la foi si je crois seulement en l'existence de Dieu ; j'ai la foi si je crois et accepte ce que Dieu m'enseigne et me demande - si j'essaye d'en vivre autant que possible. La foi est une praxis - raison pour laquelle l'expression "croyant non pratiquant" n'a pas beaucoup de sens puisqu'elle comprend une contradiction dans les termes.

La question de l'existence de Dieu est antérieure à la foi ; c'est une question qui interroge notre raison et trouve sa solution en elle, dans sa liaison avec le réel objectif, indépendamment  de toute illumination mystique ou de toute référence à quelque révélation surnaturelle.

Je peux certes croire en l'existence de Dieu sur la foi de la Révélation seule (certains convertis font de Dieu une expérience mystique antérieurement à tout raisonnement - on se souvient du témoignage de Paul Claudel) : puisque Dieu se révèle, c'est donc qu'il existe. Mais outre que ce n'est pas dans l'ordre des choses - que Dieu est souverainement libre de bousculer -, il est défendu pour un chrétien de mépriser la raison en exaltant la Révélation seule. Même si je suis parvenu à la connaissance de Dieu par une expérience mystique - d'une manière extra-ordinaire - je suis invité à considérer que la foi en Dieu repose sur l'appréhension rationnelle préalable de son existence et que celle-ci se démontre par un raisonnement logique à partir du monde existant.

On comprendra aisément qu'une discussion philosophique sur l'existence de Dieu constituera un terrain de dialogue privilégié avec les non-croyants - une base de discussion et d'échange qui pourra être féconde, et sans laquelle il existerait un mur infranchissable entre croyants et non-croyants - si ce n'est par la voie du "pari" de Pascal.

Faire de la philosophie sur un blog chrétien, c'est montrer que la foi n'a rien d'un pari - ni d'une simple croyance ; qu'elle s'enracine dans la raison et qu'elle en est le prolongement, l'aboutissement, l'accomplissement. C'est contribuer ainsi à affermir la foi des chrétiens et à ouvrir des chemins dans l'esprit des non-croyants qui penseraient - à tort - que la foi se situe en opposition avec la raison et qu'elle serait indésirable pour ce motif.

2 commentaires:

  1. " La question de l'existence de Dieu est antérieure à la foi " Peu importe, Dieu existe parce qu'il existe, ce n'est pas une question. Ensuite chercher les indices concordants qui font qu'il n'y a pas une autre raison cohérente qui nierait son existence est une démarche rationnelle. Encore faut-il la désirer.
    " La finalité de la philosophie est de nous instruire sur le réel, de nous communiquer des certitudes, d'atteindre à la vérité - comme n'importe quelle science. " la science vise à nous donner une représentation du réel. C'est donc construire une représentation du réel la plus cohérente possible qui nous donne la voie à suivre.

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  2. Cher jpb, je vous remercie de votre commentaire.
    Je retiens ce passage : "Dieu existe parce qu'il existe, ce n'est pas une question."
    Puisque l'existence de Dieu n'est pas évidente, alors si, c'est une question. Et si ce n'en est pas une pour vous, c'en est une pour beaucoup. De l'intérêt de faire de la philosophie. Autrement qu'aurez-vous à dire à ceux qui ne croient pas en Dieu? "T'as qu'à croire"? Ca risque de ne pas faire avancer beaucoup le Schmilblick... :)

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