dimanche 31 mars 2019

Le "mur de Planck" quantique - Dialogue avec un lecteur

Suite à la publication de mon article sur "Le mur de Planck quantique", Miky me répond.

Commentaire n°1 posté par Miky

Cher Matthieu,

"Il est faux de croire que le rôle de la physique soit de découvrir ce qu’est la nature. Elle a seulement pour objet ce que nous pouvons en dire"

Tout à fait d'accord. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais c'est ce que je n'arrête pas de répéter en long, en large et en travers... Merci donc pour cette confirmation de mon propos. Il faudrait juste rajouter - et c'est là que nous divergeons, je pense : "le reste est inconnaissable... puisque nous ne pouvons rien en dire". Alors que toi, pour une raison qui m'échappe, tu sembles défendre l'idée selon laquelle il serait légitime, lorsque la science est impuissante, de la remplacer par la religion. Par quel miracle cette dernière serait-elle alors meilleure ? D'autant plus qu'elle contredit souvent la science lorsqu'elle s'aventure sur son terrain...

Réponse au Commentaire n°1

"Il faudrait juste rajouter – et c'est là que nous divergeons, je pense : "le reste est inconnaissable... puisque nous ne pouvons rien en dire"."

Oui Miky, c’est là que nous divergeons. On ne peut pas dire que "le reste est inconnaissable" – ni affirmer que nous ne pouvons rien connaître d'autre que la Physique. Il s’agit là d'un préjugé positiviste injustifié. La science n’est pas le seul mode de connaissance. Il existe d’autres voies d’accès au savoir. Ainsi : la métaphysique – par laquelle il est possible d’acquérir de vraies certitudes sur la réalité des choses, au-delà même de ce que peuvent en dire les sciences, en raisonnant par induction à partir de ce que les sciences nous enseignent du réel. La métaphysique, qui emploie la méthode scientifique (fondée sur l'expérience et le raisonnement) nous conduit irrésistiblement à Dieu. C'est cela que je cherche à démontrer, article après article. 

Je ne "remplace" pas la science par la religion ; je la prolonge par la métaphysique, laquelle conduit à la religion.

jeudi 28 mars 2019

Le "mur de Planck" quantique

Nous avons eu l’occasion de voir précédemment le caractère d’ultime parcelle et de divisibilité de l’atome. L’atome est divisible physiquement, mais indivisible chimiquement. C’est la plus petite quantité d’un corps simple capable d’entrer en composition chimique. En revanche, sur le plan de la structure, l’atome est complexe et fait de particules différentes que l’on peut distinguer.

Au fur et à mesure des découvertes, on a appelé "particules élémentaires" des objets qui entrent eux-mêmes dans la constitution des particules déjà qualifiées d’élémentaires. Il en fut ainsi de l’atome, puis de l’électron et du noyau atomique, puis de l’électron seul, du proton et du neutron. On en est maintenant aux quarks et aux leptons ! Comme disait Pascal : "Quelque petit soit un espace, on peut encore en considérer un moindre, et toujours à l’infini, sans jamais arriver à un indivisible qui n’ait plus d’étendue"

La science du XXe siècle a ainsi conçu et développé la mécanique quantique qui se propose de décrire l’état et l’évolution des systèmes mécaniques à l’échelle des molécules, des atomes et des particules. La mécanique quantique est devenue un outil remarquablement efficace en physique moléculaire et des solides, de même que dans la théorie des champs. Heinz Pagels, éminent scientifique américain, estime ainsi que "la nouvelle théorie quantique est devenue le plus formidable outil mathématique susceptible d’expliquer les phénomènes naturels dont ait jamais disposé l’humanité". L’avènement de l’"ère quantique" est à l’origine de l’explosion des technologies majeures du monde moderne avec les ordinateurs, le laser, la télévision et bien d’autres choses encore. Comme l’écrivait encore Heinz Pagels : "Lorsqu’on écrira l’histoire de ce siècle, on comprendra que les événements politiques ne sont pas ce qui importent le plus, même s’ils ont énormément coûté en argent et vies humaines. On se rendra compte que l’événement capital aura été ce premier contact de l’homme avec le monde invisible des quantons, d’où devaient surgir les révolutions biologiques et informatiques."

Cela dit, la mécanique quantique impose aussi une limite à la connaissance scientifique du monde - et c'est un aspect qui n'est pas neutre sur le plan philosophique. A l'échelon de l'infiniment petit en effet, on a découvert que le chercheur lui-même influence ce qu’il observe. Dès lors, ce qu'il observe n'est pas l'état pur de la matière - mais un état modifié. Il en ressort qu'une connaissance exhaustive du monde est impossible objectivement.

Il n’est pas de physique sans observation. Aucun progrès – ni même aucune connaissance – n’est possible en physique sans observation. Au niveau macroscopique et, a fortiori, de l’infiniment grand, l’observation est tout à fait aisée et crédible : nous ne changeons rien à la Lune ou à la Tour Eiffel en les regardant. Or, tel n’est pas le cas en physique quantique. Dans le domaine de l’infiniment petit, il n’y a pas d’observation sans perturbation ni participation de l’observateur. L'intervention du microphysicien modifie significativement l'objet observé. Ce qui faisait dire à James Jeans (physicien, astronome et mathématicien britannique, 1877-1946) qu'"essayer d'observer l'architecture interne de l'atome, c'est arracher ses ailes au papillon pour voir comment il vole... Tout observation détruit le morceau d'univers observé".

Les premiers véritables chercheurs du monde quantique finirent ainsi par démontrer que le secret fondamental de l’origine et du comportement des particules restera à jamais inaccessible à la perception humaine, du fait qu’en observant, "l’observateur modifie la réalité et en créé une nouvelle. [Voilà] une loi fondamentale du monde microscopique… La réalité du monde microscopique n’a de sens qu’en présence d’un observateur. Nous ne sommes plus des spectateurs passifs devant le drame majestueux du monde des atomes. Notre présence change le cours du drame. Les notes de musique que les atomes nous envoient se trouvent modifiées du fait même que nous les entendons. La forme que prend la mélodie est inextricablement liée à notre présence et les équations qui décrivent ce monde doivent inclure implicitement l’acte d’observer" (Trinh Xuan Thuan, in La mélodie secrète, Fayard)

Comment expliquer ce phénomène? Par ceci que l'homme fait lui-même partie de la nature et se trouve soumis à ses lois. Il nous est impossible de nous situer en dehors d'elle ; nous sommes partie intégrante de cette nature que nous cherchons à connaître et nous ne pouvons nous en extraire pour la contempler de l'extérieur. L'isolement de l'observateur qui permettrait une contemplation pure est absolument impossible. Le monde de la physique est un monde contemplé de l'intérieur, mesuré par un savant et des appareils qui font partie de la réalité observée et se trouvent soumis à ses lois.

L'être humain contient tellement de milliards de milliards de particules que très probablement, cette super concentration influence le tout petit nombre de particules soumises à l’expérience. En outre, toute observation implique l'usage de nos sens puisque nous ne pouvons voir que par la lumière, laquelle - au niveau microphysique - perturbe le comportement des électrons observés - modifiant ainsi ce qu'elle éclaire. Dès lors : "Il est impossible à la science humaine qui observe et mesure les choses à l'aide d'instruments matériels et grâce à des actions physiques, et qui ne peut voir un électron qu'en le bousculant avec la lumière, de connaître déterminément la façon dont un corpuscule se comporte à chaque instant." (Jacques Maritain, in Les degrés du savoir).

Cette découverte relativement récente dans l’Histoire des sciences est capitale. Ne peut être réputé scientifique en principe que ce qui a été soumis à des expériences répétées et vérifié à chaque fois. La science ne peut affirmer de certitudes qu’à ce prix. Il est certes exact que la recherche scientifique est marquée par la difficulté. Nous le voyons bien par exemple avec le cancer ou le SIDA, dont la "clef" nous échappe encore. Nombreux sont ceux qui affirment qu’on finira par la trouver. Et si certains pensent le contraire, ils ne peuvent pas prouver qu’ils ont raison. Mais la science sait aujourd’hui que le secret fondamental de l’infiniment petit ne sera jamais connu. Ce constat valu à Niels Bohr (1885-1962), prix Nobel de physique en 1922, cette sentence passée à la postérité : "Il est faux de croire que le rôle de la physique soit de découvrir ce qu’est la nature. Elle a seulement pour objet ce que nous pouvons en dire".

Cette nouvelle définition de la physique par l’un des plus éminents savants du XXe siècle, est d’une portée métaphysique considérable. Elle anéantit à elle seule le scientisme et sa naïve prétention positiviste. Elle nous informe des limites de l'activité scientifique et de ses réelles capacités d’investigation.

Ainsi que l’écrit André Valenta dans son excellent ouvrage sur le scientisme : "L’opinion de Niels Bohr ouvre une nouvelle et véritable philosophie. La première philosophie directement imposée par la recherche scientifique. Certes, on pourra toujours parler des innombrables philosophies inspirées par la science. Mais cette fois, la sagesse devient obligatoire. Elle n’est pas seulement suggérée, elle est imposée. Parce que la science nous dit qu’elle ne peut pas savoir. Il nous faut donc chercher l’explication du phénomène par d’autres voies."

On le sait : cette découverte heurta beaucoup Einstein, qui s’y opposa de toutes ses forces jusqu’à sa mort. Il ne pouvait pas croire que le mystère de la nature échappe à jamais à notre compréhension. Et lorsque Bohr présenta son interprétation de la mécanique quantique aux Congrès Solvay auxquels participait le célèbre physicien, il convainquit tout le monde… sauf Einstein qui s’y opposa vigoureusement. Bohr démonta une à une toutes les objections de son illustre adversaire, au point d’entamer sérieusement son prestige, et de susciter cette sévère remontrance de Paul Ehrenfest : "Einstein, vous devriez avoir honte ! Vous commencez à vous conduire comme ceux qui ont critiqué vos propres théories de la relativité. Tous vos arguments ont été battus en brèche : au lieu d’appliquer votre propre règle, qui dit que la physique doit être construite sur des relations mesurables et non sur des notions préconçues, vous continuez à avancer des arguments fondés sur des préjugés."

***

Les incertitudes et étrangetés du monde microscopique révélées par les découvertes du XXe siècle nous fascinent. Elles ouvrent aussi d’inévitables considérations métaphysiques dont nous avons vu qu’elles sont à l’opposé de ce que la science triomphante avait inspiré à beaucoup d’esprits au XIXe siècle qui en avaient fait les plus imprudentes interprétations.

Parmi les nombreuses révélations de la science quantique, rien ne nous paraît plus déconcertant que l’irréductible mystère de l’univers invisible et inaccessible d’où sortent les particules et d’où provient tout ce qui existe. Comme le disait Niels Bohr, "si un homme n’est pas pris de vertige quand il apprend la mécanique quantique, c’est qu’il n’y a rien compris".

L’étude des particules est difficile à imaginer pour le sens commun, tant elles sont petites et mobiles. Nous avons du mal à imaginer qu’il puisse en exister de plus petites encore, mais nous savons que c’est possible. Nous savons aussi que leur découverte n’atteindra pas le véritable fond des choses.

Certes, la science a beaucoup avancé en découvrant que la matière est faite d’atomes, d’électrons, de neutrons et de protons, et ces derniers de quarks. Mais, à chaque fois, notre connaissance s’est contentée de faire progresser les descriptions, les fonctions, les mesures et les équations, sans jamais pouvoir atteindre le cœur ultime de la matière. Il semble qu’il y ait là un nouveau "mur de Planck", une frontière infranchissable qui nous interdit d’espérer pouvoir un jour saisir la totalité du réel par nos instruments scientifiques.

Comme l’écrivait Igor Bogdanov, dans l’ouvrage collectif "Dieu et la Science" paru il y a quelques années (chez Grasset) : "lors de leur hallucinante plongée au cœur de la matière, les physiciens se sont aperçus que leur voyage, loin de s’arrêter à la frontière du noyau, débouche en fait sur [un] immense océan de (…) particules. Tout se passe comme si, après avoir quitté le fleuve sur lequel nous avions l’habitude de naviguer, nous nous trouvions face à une mer sans limite, creusée de vagues énigmatiques, qui se perdent dans un horizon noir et lointain".

Et Jean Guitton de poursuivre dans ce même ouvrage : "En somme, nous voilà au bout de notre voyage dans l’infiniment petit. Qu’avons-nous rencontré dans notre périple au cœur de la matière ? Presque rien. Une fois encore, la réalité de dissout, se dissipe dans l’évanescent, l’impalpable : la "substance" du réel n’est qu’un nuage de probabilités, une fumée mathématique. La vraie question, c’est de savoir de quoi cet impalpable est fait : qu’y a-t-il sous ce « rien » à la surface duquel repose l’être?"

Voilà bien une question insoluble pour la physique, mais non pas... pour la métaphysique. Affirmer que la physique ne connaît pas tout - et n'atteindra jamais les ressorts cachés de la nature - ce n'est pas renoncer à la connaissance ; c'est ouvrir la voie à d'autres domaines de la pensée qui se relient à la physique sans se confondre avec elle - en quoi réside précisément la métaphysique : on ne peut envisager de méta-physique que si d'abord il y a une physique.

Pour connaître l'univers à fond, la connaissance physique est insuffisante - nous le savons désormais de science certaine. Il faut donc plonger plus avant, non plus avec des moyens d'observation mais avec notre intelligence ; non plus en contemplant mais en réfléchissant - en nous enfonçant dans l'abstraction qui est au coeur de la démarche scientifique. Car si notre connaissance scientifique de l'univers est parcellaire, elle nous dit quelque chose de vrai sur l'univers, et ce petit bout de vérité que nous sommes parvenus à acquérir par l'activité scientifique suffit pour penser l'Univers dans son être, et le comprendre - de même que je peux connaître une personne en tant qu'être humain sans avoir la connaissance exhaustive de ce qu'elle est dans sa singularité. L'univers restera pour nous un mystère - comme toute personne humaine est un mystère - mais cela ne nous empêchera pas de le connaître vraiment quant à sa nature - comme nous pouvons connaître vraiment la nature humaine. La science ne cherche pas à connaître tel être en particulier, mais à définir la nature des choses observées dans ce qu'elles ont de commun entre elles et d'universel - pour en tirer des lois. Dans le cas de l'être de l'univers, nous avons affaire à un être singulier - sans aucun autre élément de comparaison. Pour le connaître dans sa nature - pour atteindre son essence et savoir véritablement ce qu'il est, indépendamment de la connaissance exhaustive de sa structure dont on sait aujourd'hui qu'elle est impossible - il faut laisser de côté les outils de la science et laisser l'intelligence seule réfléchir à partir des données fournies par ces outils - car il est de la nature de l'intelligence de percevoir l'être, comme il est de la nature de la vue de percevoir la lumière et de la nature de l'ouïe de percevoir les sons. La mécanique quantique est le moment où la connaissance sensible cède le pas à la connaissance intellectuelle, où la physique s'arrête pour passer le relais à la métaphysique.


Discussion avec un lecteur suite à la publication de cet article

mardi 26 mars 2019

Ce que révèlent les profondeurs de la matière

Poursuivons notre contemplation de l'univers. Après avoir exploré l'Univers en ses grandeurs, nous plongeons en ses petitesses. Notre périple nous a conduit jusqu'à l'atome, la plus petite partie d'un corps simple pouvant se combiner chimiquement avec un autre.

Le noyau de l’atome est constitué de protons, chargés d’électricité positive, et de neutrons dépourvus de charge électrique. La charge électrique globale de l’atome est donc neutre.

Le noyau est 100.000 fois plus petit que l’atome… Autour de ce noyau gravite, à une vitesse de 297.000 km/secondes un certain nombre d’électrons chargés d’électricité négative.

Qu’est l’électron ?

L’électron est un objet minuscule dont le diamètre est de l’ordre d’un milliardième de milliardième de millimètres. 1 million de fois plus petit que ce que l’on peut distinguer dans le plus puissant des microscopes! Son poids est infime : 1 milliard de milliards d’électrons pèsent un peu moins de 3 grammes.

Ces électrons gravitent autour du noyau de l’atome et peuvent faire par seconde 500 trillions de tours, soit beaucoup plus de révolutions en une seconde qu’il ne s’est écoulé de secondes depuis le début de l’ère chrétienne ! En une seconde, l'électron fait l’équivalent d’un aller retour nord-sud de la France (2.000 km). Un moteur tournant à 6.000 tours par minute mettrait 2 millions d'années pour faire la quantité de tours que réalise l'électron en une seconde…

Quelle extraordinaire merveille que cette matière ! Quels fabuleux secrets recèle-t-elle en son sein !

Si l'atome était un stade, le noyau serait une tête d'épingle au centre et les électrons seraient les spectateurs. Le volume du noyau est un million de milliards de fois plus petit que celui de l'atome : le volume de l'atome est donc constitué d'au moins 99,9999999999999 % de vide! Cela paraît incroyable, mais la matière est essentiellement constituée de vide. La masse est essentiellement concentrée dans le noyau. Si on arrivait à concentrer tous les noyaux de tous les atomes de l'Univers (estimés à 10 puissance 80), ils n'occuperaient pas plus que le volume d'un dé à coudre ! On dit que la matière a une structure lacunaire.

La dimension des atomes est de 10 puissance moins 10 à 10 puissance moins 9 mètres, soit de 1 à 10 millionièmes de millimètres. Cela veut dire aussi que la taille des atomes varie de 1 à 10, certains étant 10 fois plus grands que d’autres. La dimension de l’atome correspond à la place délimitée par l’orbite des électrons tournant autour du noyau. Dans cet espace infinitésimal où ils tournent à des vitesses voisines de celle de la lumière, ils sont pratiquement partout à la fois. On peut dire que la vitesse rend les électrons omniprésents. Ils ont à peine quitté un point qu’ils y reviennent et, de ce fait, la matière est consistante.

Tant que la science ne l’avait pas découvert, on ne pouvait soupçonner que les pierres mêmes, les objets les plus inertes, sont en réalité des corps animés d'un dynamisme incroyable - celui des électrons tournant à des vitesses inimaginables et sans fin…

***

Les atomes s'assemblent pour former des molécules, le plus petit fragment indépendant d'une substance chimique, la plus petite quantité d’une substance pure comme l’eau ou le dioxyde de carbone.

Les atomes ne restent que rarement seuls. En général, ils se prennent d'affection pour d'autres atomes et leurs mettent littéralement un bras autour du cou. Les atomes qui s'attachent entre eux par liaison "covalente" forment des molécules. Les molécules ne sont donc pas des paquets désorganisés d'atomes : ce sont des atomes qui s’unissent de façon stables et permanente en vertu d’une "attirance" réciproque.

Une molécule est formée de 2 atomes ou plus. Toute la matière, qu'elle soit solide, liquide ou gazeuse, se compose de molécules. Le nombre de molécules possibles paraît infini. Plus de 20 millions étaient recensées en 2003. Le nombre d'atomes lui, reste cependant limité à 92.

Ces 92 atomes sont les unités de base ou les briques élémentaires qui, en se combinant les unes aux autres en fonction des lois de la chimie, forment l’immense diversité – presque infinie – de substances et de matériaux que nous connaissons tous : granite, bois, plastique, agate, sel de cuisine, protéines, cheveux, pétrole, pénicilline, etc… La liaison et la combinaison des atomes donnent toutes sortes de molécules qui se mélangent elles-mêmes jusqu’à l’infini pour donner des formes, des couleurs, des odeurs et des propriétés.

Combien peut-il y avoir de molécules dans une goutte d’eau ? Prenons en 18 grammes. On sait qu’une molécule d’eau est composée de deux atomes d’hydrogènes et un d’oxygène. Combien y aura-t-il de molécules dans ces 18 grammes ? Le nombre défi l’imagination. Prenez une feuille et écrivez : 60.220.943, suivi de… 16 zéros ! Vous l’aurez compris : il y a autant de molécules dans une goutte d’eau… que de gouttes d’eau dans la Méditerranée !

L’infiniment petit nous plonge aujourd’hui dans un émerveillement qui dépasse de loin toute science-fiction. Si le champ immense des cieux me laisse rêveur, ce que révèlent les profondeurs de la matière me bouleverse.

Chers amis lecteurs, nous ne savons plus nous émerveiller... Comme disait Jacques Rivière, écrivain français qui revint à la foi en 1913 sous l’influence de Paul Claudel : "Il est des gens qui ne perçoivent que par leur sens. Ils vont et viennent, enfermés dans une sorte de cage de leurs sensations. Ils ne comprennent pas où ils sont, les merveilles où ils baignent ne les touchent pas. Leur esprit est scellé comme par une malédiction. Ils se lèvent, et ne savent pas ce que c’est que le matin. Ils sortent et ne savent pas ce que c’est que l’univers ; ils n’entendent pas voler tout près d’eux et se croiser en l’air les innombrables prodiges".

lundi 25 mars 2019

L'extraordinaire uniformité de la constitution chimique de l'univers

Après avoir observé l'Univers, notre Galaxie, le Soleil et la Lune, et notre Terre, regardons maintenant la texture du monde dans lequel nous vivons.

L'univers physique comprend une variété incalculable d’objets : étoiles, terres, nuages, volcans, chutes d’eau, montagnes, végétaux, animaux,… Mais dans l'ensemble des corps matériels de l’univers, on ne dénombre qu'une centaine de corps simples (ou éléments chimiques), chacun ayant des propriétés particulières.

L’or, le zinc, le fer, l’oxygène ou encore l’hydrogène sont des corps simples. Par contre, l’eau n’est pas un corps simple puisqu’elle est composée de 2 éléments : l’hydrogène et l’oxygène. A un niveau plus élevé de complication, nous pourrions citer l’eau sucrée. Elle est faite d’eau et de sucre qui, chacun, sont des corps composés.

Sur la centaine d'éléments chimiques naturels existant, l’hydrogène et l’hélium représentent à eux seuls 99 % de la matière cosmique (laquelle est constituée de 55 % d'hydrogène et 44 % d'hélium). 11 corps simples seulement sont présents dans tous les êtres vivants (et approximativement selon les mêmes proportions). Ces derniers constituent à eux seuls 99,9 % du corps humain (hydrogène, carbone, oxygène, azote, sodium, magnésium, phosphore, soufre, chlore, potassium et calcium) ; 4 d'entre eux (carbone, hydrogène, oxygène et azote) suffisent à composer 99 % de tous les êtres vivants. C’est dire l’extraordinaire uniformité de la constitution chimique de l’univers et du monde des vivants.

Ces corps simples (ou éléments chimiques) sont formés de particules qui s'assemblent pour former la matière : on les appelle les atomes. Chaque corps simple (ou élément chimique) est constitué d’atomes de même espèce. C’est le grec Démocrite, 5 siècles avant avant Jésus-Christ, qui a mis au jour la notion d'atome.

Le mot "atome" vient de l’adjectif grec atomos qui signifie indivisible ou insécable. L’atome, c’est la plus petite partie d’un corps simple (ou élément chimique), la plus petite quantité de matière qui ne peut plus être divisée, et qui est capable d’entrer en composition chimique - c’est-à-dire de s’associer avec un autre corps simple. L'atome est une particule extrêmement petite : sa taille est de l’ordre du dixième de millionième de millimètre. Pour s'en donner une idée, il faut imaginer 1 millimètre que l’on coupe en dix, puis le petit morceau obtenu que l’on coupe… en un million !

Le nombre d’atomes d'une toute petite parcelle d'un corps est si grand qu'il défie l'imagination. Un grain de sel en contient 1 milliard de milliards ! Imaginons que nous réussissions à distinguer les atomes individuels formant une table de cuisine, et que chacun d’eux ait la dimension simplement d’un grain de sable. A cette échelle de grossissement, la table aurait 3.500 km de long !

Comme disait le Père Antonin-Gilbert Sertillanges : "A l’égard des immensités astrales, nous ne sommes que des atomes ; à l’égard du monde des atomes, nous sommes une immensité"… 

Les plus grands chercheurs du XXe siècle, à commencer par Max Planck et Albert Einstein, Niels Bohr et Louis de Broglie, nous ont amené à une connaissance approfondie de l’atome dont on a découvert qu’il est lui-même d’une extrême complexité. Les scientifiques du XXe siècle ont mis au jour la structure de l’atome et ses éléments constitutifs qu’on appelle "particules élémentaires" (les protons, les électrons et les neutrons) qui forment, d’une part, un noyau où est concentré presque toute la masse, et d’autre part, des "satellites" qui tournent autour du noyau à une très grande distance et une très grande vitesse (les électrons).

dimanche 24 mars 2019

La foi chrétienne : une expérience personnelle enracinée dans une réalité objective - Dialogue avec les lecteurs

Suite à la publication de mon article "La foi chrétienne : une expérience personnelle enracinée dans une réalité objective", des lecteurs réagissent.

Commentaire n°1 posté par Roch

Matthieu,

Je découvre ton blog grâce à un commentaire sur le mien. Je suis très impressionné par certains de tes raisonnements ; je suis en totale harmonie avec toi sur les deux dimensions capitales que sont : 1/ l'ancrage historique et surtout 2/ L'EXPÉRIENCE PERSONNELLE. Dieu est une expérience.

Oui nous avons besoin de la raison et de la philosophie, et Thomas d'Aquin en est la preuve, mais NON, elle ne sera jamais suffisante. Elle peut démontrer à un esprit mathématique (pas comme le mien) qu'une démonstration formelle est possible, mais elle ne se substitue pas au don de la grâce ni à l'acquiescement du cœur et de l'esprit à l'appel de Dieu dans la conversion.

Continue ton œuvre et ne mollis pas, frangin : nous sommes cernés. Mais Jésus est là et bien là.

Commentaire n°2 posté par Miky

Quant à l'expérience personnelle de la foi comme preuve de Dieu, j'ai des doutes. Pour ma part, bien qu'ayant eu une éducation religieuse et ayant cru longtemps en Dieu de manière fervente et passionnée, j'ai fait – si je puis dire – vers mes 23 ans, l'expérience intense et profonde de l'absence de Dieu et de la totale absurdité du monde. Une expérience personnelle en vaut une autre si on reste dans la subjectivité.

Pour ma part, si je croyais en l'existence de Dieu (un Dieu juste, bon et puissant), j'aurais certainement la foi : comment ne pas faire confiance en une personne dont nous savons qu'elle est juste, bonne et puissante ?

Si je n'ai pas la foi, c'est parce que je ne crois pas en l'existence de ce Dieu.

Réponse au Commentaire n°2

Raison pour laquelle la question de l’existence de Dieu est si importante😊Sa résolution métaphysique ne donne certes pas automatiquement la foi, mais elle pré-dispose indiscutablement à la foi qui s’en trouve facilitée par sa conformité manifeste avec la nature raisonnable de l’homme – qu’elle ne vient pas contrarier mais accomplir.

"Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route." (Luc 3. 4)

Commentaire n°3 posté par Tyler

Ha, c’est un beau débat. Miky a dit ce que j’allais dire. Sinon, moi-même, j’ai été chrétien durant de nombreuses années à aujourd’hui. Je n’ai plus la foi (toi qui aime les témoignages).

Par contre, dans votre discussion, j ai beaucoup aimé le passage où l’on dit que la foi me fait du bien à moi et à ma famille. Le secret est peut être là de se rassurer. En effet, il est plus agréable de s’imaginer un gentil Monsieur qui veille sur nous et nous réserve une place dans un monde merveilleux que d’affronter la réalité.

D’ailleurs, le gros de ton argumentaire, c’est que Dieu n’est pas prouvable. il faut le ressentir, le rencontrer (pour le rencontrer, il y a des endroits où il est plus souvent que d’autres?) Ce que je trouve un peu facile : "ah oui mais Dieu, il est pas prouvable ; c’est ça la foi".

Pour tes futur articles voici quelques points qu il serait intéressant de développer je pense :
- si Dieu nous laisse le choix alors qu’il connaît notre réponse, est ce vraiment un choix ?
- Est-il juste pour un être qui est amour de nous proposer en gros ce contrat : "crois en moi sinon tu brûleras dans un enfer que j’ai inventé, geré par un de mes subordonnés qui s’est rebiffé"?

Réponse au Commentaire n°3

Tyler, je te remercie pour ton message. Tes questions sont très pertinentes. J'espère pouvoir y répondre.

Sur la question de la foi comme subterfuge afin d'éviter d'avoir à affronter la réalité de ce monde, je te renvoie à mon débat avec Charles.

Je n'ai pas dit que Dieu n'est pas démontrable, puisque je ne cesse d’affirmer qu’il existe des preuves de son existence. Ces preuves sont cependant insuffisantes à convertir quiconque puisque Dieu est un Être personnel dont l’essence est l’Amour, et non un concept métaphysique vague et abstrait : Il ne peut donc se rencontrer que dans une expérience spirituelle qui n'est pas nécessairement sensible, mais qui va toucher le coeur dans ses profondeurs les plus intimes, au point que celui-ci va Le reconnaître infailliblement - telle la brebis qui reconnaît la voix de son berger. Quant au croyant, il se rassasiera de toutes les découvertes des sciences comme autant de moyen de connaître davantage le Créateur, son Seigneur – à travers la contemplation de son Œuvre.

Ce n'est pas parce que Dieu sait par avance la manière dont nous allons exercer notre liberté que nous ne sommes pas libres. Nous savons aujourd’hui ce que nous avons fait hier ; cela ne signifie pas qu’hier nous n’étions pas libres. Eh bien analogiquement : Dieu sait tout parce qu’il est en dehors du temps. L’avenir, pour lui, est "passé". Il sait déjà comment demain nous allons user de notre liberté. Il le sait aussi bien que nous, nous savons aujourd’hui comment hier nous avons usé de notre liberté. Mais notre liberté est véritable, et c'est ce qui fait notre grandeur – en même temps que le drame de notre condition humaine.

Quant au "contrat" dont tu parles, il est mal formulé : ce n'est pas "crois en moi sinon tu seras puni au feu éternel", mais "par le péché, tu t’es condamné au feu éternel : prends la main que je te tends, et je te sauverai". Cette main tendue par Dieu, c'est Jésus-Christ.

Commentaire n°4 posté par Miky

"Ces preuves sont cependant insuffisantes à convertir quiconque, puisque Dieu est amour, et non un concept métaphysique vague et abstrait : il ne peut donc se rencontrer que dans une expérience spirituelle qui n'est pas nécessairement sensible, mais qui va toucher le coeur dans ses profondeurs les plus intimes, au point que celui-ci va Le reconnaître infailliblement - telle la brebis qui reconnaît la voix de son berger."

Ce qu'en termes "mikaëliens" je traduirais plutôt par : ces "preuves" ne sont à même de convaincre que ceux qui y croient déjà :-)

Réponse au Commentaire n°4

Les preuves dont je parle peuvent convaincre une personne de l'existence de Dieu : ce qui est mon cas. Ces preuves m'ont toujours paru probantes et satisfaisantes sur le plan intellectuel, et raisonnable. C'était vrai avant ma conversion , ça l'est a fortiori davantage depuis ma conversion. Je n'ai donc jamais vraiment douté de l'existence de Dieu.

Pour autant, j'ai eu la grâce de rencontrer le Seigneur dans une expérience spirituelle ineffable que j'ai eu l'occasion de raconter ici-même, qui m'a fait passer de la simple croyance intellectuelle en l'existence de Dieu à la foi, qui est une relation d'amour qu'on entretient avec une Personne, et non simplement une option philosophique que l'on prend en faveur de l'existence de Dieu.

Que les preuves de l'existence de Dieu soient impuissantes en elles-mêmes a susciter la foi dans une âme nous révèle quelque chose d'intéressant, je crois : c'est que l'Amour est quelque chose de plus grand que l'intelligence.

jeudi 21 mars 2019

La foi chrétienne : une expérience personnelle enracinée dans une réalité objective


Cet article, initialement publié sur le site Totus Tuus, est la suite de "Existe-t-il des preuves de l'existence de Dieu?" et de "Les limites de la démarches scientifiques" - l'ensemble constituant une réponse aux objections de mon contradicteur athée se faisant appeler Miky.

Cher Miky,

Quelle que soit la pertinence des raisonnements que nous pourrons développer au sujet de l’existence de Dieu et le caractère convaincant des "preuves" que nous pourrons présenter, la foi en Dieu n’est (et ne sera) jamais le résultat obligé d’une démarche purement intellectuelle de l’homme. Nul n’a jamais été converti au christianisme par un simple échange d’arguments ou d’idées, aussi bonnes soient-elles. La foi est autre chose qu’un simple savoir intellectuel.

Je pourrais te persuader qu’il est raisonnable de croire en Dieu. Je pourrais aller jusqu’à te convaincre de son existence. Mais cela ne te donnera pas la foi pour autant. Car la foi, contrairement à ce que beaucoup pensent, n’est pas la simple croyance en l’existence de Dieu (ni sa certitude rationnelle). Elle est d’un autre ordre.

"Tu crois qu'il y a un seul Dieu ? Tu as raison. Les démons, eux aussi, le croient, mais ils tremblent de peur" peut-on ainsi lire dans la Lettre de Saint Jacques (2. 19).

Il est important de bien distinguer ces deux notions, "croyance" et "foi" car elles ne se situent pas sur le même plan : je peux croire en l’existence de l’Himalaya sans y être jamais allé, mais est-ce que cela change ma vie ?

Si la croyance est une opinion personnelle, une option philosophique ou religieuse à laquelle on adhère intellectuellement - ou un savoir -, la foi, elle, engage l’homme tout entier : ses convictions personnelles, intellectuelles, mais aussi sa volonté et sa liberté - son action. La foi est une praxis – elle est une démarche active de l’homme, un choix délibéré en faveur de Dieu qui se révèle. Non seulement il croit en Son existence, mais il croit encore en l'authenticité de Sa Révélation et en la vérité de Sa Parole. Il s'en remet à Lui pour le conduire dans la vie ; il a confiance en Lui.  Il est donc tout entier à son écoute, avec le désir de faire Sa volonté - assuré de la bonté de cette Volonté ; il croit en Lui.  La foi est donc PLUS que la croyance ou le savoir.

On notera que si l’on parle de "croyance" au sujet de l’existence de Dieu et non de "savoir ", c’est pour la même raison que l’on ne parle plus de "science" aujourd’hui au sujet de la métaphysique. Mais en toute rigueur, la métaphysique est une science, comme l’existence de Dieu est de l’ordre du "savoir", et non du "croire". Un peu comme l'Himalaya dont je parlais : je "sais" que l'Himalaya existe. Pourtant, je ne l'ai jamais vu. Mais je "crois" ce que l'on m'enseigne à son sujet et c'est comme cela que je le "sais". Au fond de tout savoir, il y a toujours une croyance : croyance en la vérité scientifique dans le cas de l'Himalaya ; croyance en la vérité métaphysique dans le cas de Dieu.

Pour Saint Thomas d’Aquin l’existence de Dieu n'est pas un article de foi, mais le préambule rationnel introduisant à la foi. Pour croire en Dieu - et avant de croire Lui - il faut savoir qu'Il existe. Croire en Dieu, ce n'est donc pas croire en l'existence de Dieu. Pour croire en Dieu - c'est-à-dire pour Lui faire confiance au point d'orienter ma vie selon Ses voies - il me faut connaître préalablement Son existence. Celle-ci connue, alors - mais alors seulement - je pourrai L'écouter et agir conséquemment. Voltaire, lui - qui n'avait pas la foi mais n'était pas athée pour autant -, écrivait dans son Dictionnaire philosophique : "Il m’est évident qu’il y a un Être nécessaire, éternel, suprême, intelligent ; ce n’est pas de la foi, c’est de la raison".

La foi est donc autre chose que la simple adhésion intellectuelle à l'existence de Dieu : elle est une relation à Quelqu’un de vivant, pensant, parlant, voyant et agissant - et relation à Quelqu'un qui compte pour moi, que j'ai le désir d'aimer et de servir - non comme un esclave, mais comme un fils, parce que je sais que je lui dois tout ce que je suis et tout ce que j'ai.

Comme l’écrit le Père Descouvemont, dans son magistral "Guide des Difficultés de la Foi Catholique", "Dieu n’est pas une vérité abstraite à atteindre par une démarche rationnelle, mais le Grand Vivant à rencontrer dans une expérience personnelle." On ne déduit pas Dieu : on le rencontre. "Dieu se rencontre comme une Personne, dans le cœur à cœur d’une expérience spirituelle ineffable. C’est une aventure éminemment personnelle."

"L’incroyant, écrit Jean Guitton dans "Difficultés de croire", est souvent étonné, quand il lit un ouvrage d’illustration ou de défense de la foi. Et il juge qu’il y a disproportion entre les motifs, les raisons alléguées et les conclusions, que les objections vraies et profondes dans ces traités sont souvent omises ou représentées d’une manière caricaturale, les difficultés voilées, les adversaires réduits ou diminués, parfois moqués, et d’une manière générale que la géométrie de la preuve est trop rapide. Mais cela se conçoit assez quand on se place à l’intérieur de la certitude. Le croyant n’est pas nécessairement un converti : et à supposer même qu’il le soit, il y a peu de chances qu’il ait passé de l’incroyance à la foi pour des motifs tirés de la raison, de l’histoire, de l’analyse impersonnelle. C’est une expérience intérieure incommunicable, un événement, une série d’événements orientés (une détresse, un attrait, une humiliation, une expérience du péché, une voix), qui l’ont conduit à la foi. La conversion se place dans ces régions profondes où la pensée claire pénètre mal, sauf pour justifier après coup une démarche intime et irrésistible (…). Et quand un croyant expose les raisons de sa foi, si grand que soit son soin pour les rendre aussi pertinentes, exactes que possible, pour ne pas bousculer et précipiter l’adversaire, il ne peut pas ne pas faire que les raisons ou motifs qu’il présente aux autres (alors même qu’il en aurait fait l’usage et le premier essai sur son propre esprit), ne sont pas toujours celles qui l’ont convaincu lui-même ; il demande à l’incroyant un effort que lui n’a pas fait, et qui est d’un tout autre ordre." 

Le Père Molinié décrit assez bien le phénomène de la conversion, dans son maître ouvrage, "Le courage d’avoir peur" : "Il y a des moments dans notre vie (…) où nous pressentons le Royaume des Cieux. Imaginez un homme qui a vécu dans un pays merveilleux jusqu’à trois ou quatre ans, ne l’a jamais revu et qui, l’espace d’une seconde, respire un parfum qui lui rappelle ce pays – quelque chose de très fugitif, de très secret, mais de très fort quand même… C’est comme quand on s’approche de la mer : l’air n’est plus le même – c’est le vent du Ciel, le souffle du Saint-Esprit. Tous [le Père Molinié s’adresse à des chrétiens au cours d’une retraite spirituelle], nous l’avons senti passer un jour : il n’y a que cela qui puisse nous attirer vers Dieu. Ce n’est pas avec des coups de bâton qu’Il nous attire, ni avec des raisonnements : on ne devient pas chrétien parce qu’on est convaincu que c’est plus parfait, mais parce qu’on ne peut pas faire autrement" [tant l’attraction de Dieu est puissante].

Cher Miky, je t’invite à relire mon propre témoignage : ma rencontre personnelle avec Dieu s’est faite à travers la découverte de l’Evangile. Ce sont des choses difficiles à expliquer à des gens qui n’ont pas fait dans leur vie une telle expérience de rencontre avec le Seigneur - mais que tout converti comprend au quart-de-tour - ; et c’est quelque chose qui ne trompe pas car cela vient du plus profond de l’être, un peu comme la pression de la vie qui finit par faire sortir le poussin de sa coquille lorsque son heure est venue - c'est irrésistible.

Cela dit, pour affirmer la valeur de sa foi, le chrétien ne s’appuie pas seulement sur sa propre subjectivité ou sur ses seules émotions : toute la foi chrétienne repose en effet sur des critères objectifs ; non sur des idées ou des valeurs, quelques généreuses qu’elles soient, mais sur des faits et des événements que notre intelligence peut s’appliquer à étudier avec soin – avec toute la rigueur scientifique requise :
>> le fait de la Création (ou disons : le phénomène "Univers" qui est la première manifestation de Dieu – sa première Parole) ;
>> et le fait de la Révélation (ou disons : les phénomènes "Israël", "Jésus-Christ" et "l’Eglise") – qui marque l’irruption de Dieu dans notre histoire.
Le cœur de la foi chrétienne consiste à croire que le Dieu Créateur du ciel et de la terre - que la raison parvient à connaître sans intervention surnaturelle - est entré en dialogue avec l’humanité depuis Abraham, et qu’Il nous a envoyé son propre Fils en la personne de Jésus-Christ lorsque Ponce Pilate était gouverneur de la Judée. Du coup, le chrétien qui veut vivre sérieusement sa foi ne pourra faire l’économie ni d’une réflexion métaphysique de fond sur le réel scientifiquement exploré (pour étudier le fait de la Création), ni d’un minimum de recherche historique pour aller voir ce qui s’est réellement passé d'extraordinaire au Proche Orient il y a plus de vingt siècles de cela (pour étudier le fait de la Révélation).

Une foi solide ne peut d’obtenir qu’à ce prix. Comment pourrait-on avoir la certitude de notre foi, par-delà le caractère tangible de notre expérience spirituelle, si la vision du monde dans laquelle elle s’inscrit n’était pas compatible avec les données de la science (à l’instar des philosophies de l’Eternel retour par exemple), ou s’il ne s’était rien passé sous Ponce Pilate, si le Christ ne s’était jamais manifesté à ses disciples après sa mort ? A partir du moment où l’on croit que le Dieu Créateur a choisi un lieu, un temps, une race, une mère, des apôtres pour se manifester aux hommes, il nous faut inévitablement passer par leur médiation pour savoir ce qu’Il est venu nous dire et accomplir sur cette terre.

Bref, comme l’écris encore le Père Descouvemont : "la Foi chrétienne est indissolublement affaire de cœur et de raison. Elle est quelque chose de plus que la simple expérience religieuse qui nous fait sentir Dieu dans le silence de la nature ou la beauté d’un office monastique. Certes, le chrétien ne dédaigne pas de prier, les yeux émerveillés par les derniers feux du soleil couchant ou les oreilles enchantées par son morceau d’orgue préféré. Mais dans la mesure même où sa foi est la rencontre du Christ ressuscité, elle ne peut se dispenser d’un recours à l’histoire. Celui dont nous expérimentons la présence dans le cœur à cœur d’une prière est Celui-là même qui est né à Bethléem, qui est mort à Jérusalem et qui s’est manifesté à plusieurs reprises à ses apôtres après sa résurrection d’entre les morts".

Une étude approfondie des phénomènes surnaturels survenus depuis vingt siècles de vie de l’Eglise (apparitions, miracles, vie des saints…) achèvera d’enraciner notre foi dans le réel, et de nous convaincre qu’il existe décidément bien des raisons de croire.


Discussion avec les lecteurs suite à la publication de cet article

mardi 19 mars 2019

L'Eglise peut-elle disparaître?






"Je détruirai votre Église!", dit un jour, en tapant du pied, l’Empereur Napoléon Ier au Cardinal Consalvi.

"Sire, il y a vingt siècles que nous faisons nous-mêmes tout ce que nous pouvons pour cela et nous n’y parvenons pas" lui répondit le Secrétaire d’État du Pape Pie VII.

lundi 18 mars 2019

"L'Eglise n'a pas besoin de réformateurs, mais de saints."


"On ne réforme l'Eglise qu'en souffrant pour elle, on ne réforme l'Eglise visible qu'en souffrant pour l'Eglise invisible. On ne réforme les vices de l'Eglise qu'en prodiguant l'exemple de ses vertus les plus héroïques. Il est possible que saint François d'Assise n'ait pas été moins révolté que Luther par la débauche et la simonie des prélats. Il est même certain qu'il en a plus cruellement souffert, car sa nature était bien différente de celle du moine de Weimar. Mais il n'a pas défié l'iniquité, il n'a pas tenté de lui faire front, il s'est jeté dans la pauvreté, il s'y est enfoncé le plus avant qu'il a pu, avec les siens, comme dans la source de toute rémission, de toute pureté. Au lieu d'essayer d'arracher à l'Eglise les biens mal acquis, il l'a comblée de trésors invisibles et, sous la douce main de ce mendiant, le tas d'or et de luxure s'est mis à fleurir comme une haie d'avril... L'Eglise n'a pas besoin de réformateurs, mais de saints."

- Georges Bernanos -

dimanche 17 mars 2019

La science : alliée de l'athéisme? - Dialogue avec un lecteur

Suite à la publication du post "La science : alliée de l'athéisme?", notre ami Miky - décidément pugnace :) - réagit.

Commentaire n°1 posté par Miky

Cher Matthieu,

En ayant une lecture aussi sélective de la science, je ne m'étonne pas trop que tu y trouves des raisons de croire en Dieu !

Denton est loin d'être représentatif de la communauté scientifique et ses idées sont très contestées par la plupart de ses pairs. Ce n'est pas tant l'originalité de ses théories qui sont en cause que le fait de vouloir plus ou moins les faire passer pour scientifiques, alors qu'elles ne font qu'exploiter les mêmes argumentations par l'ignorance et abductions illégitimes invérifiables que je t'ai déjà signalées plusieurs fois...

Lui, ainsi que quelques autres (Behe, Drambicourt-Malassé, Lambert, Pelt, etc. dont la plupart sont regroupés, en France, dans une association : l'Université Interdisciplinaire de Paris) se sont spécialisés dans le fait de faire passer de la métaphysique spéculative pour le résultat d'un travail scientifique ou rationnel, ou plutôt de jouer sur le flou artistique et l'ambiguïté entre ces deux domaines.

Si c'est ce genre de travaux que tu qualifies d'avancées scientifiques contemporaines peu connues par le péquin moyen qui en serait resté à une mentalité scientiste très XIXème siècle... eh bien désolé de te décevoir, mais je crains fort que ce ne soit que de la poudre aux yeux...

Déjà, les soi-disant "scientistes très XIXème siècle" sont bien au courant de l'existence de ce mouvement de pensée, et l'ont décortiqué de long en large.

Bien sûr, un non spécialiste peut être leurré, car le discours a l'odeur de la science, le goût de la science, la couleur de la science, sans être de la science !

Et comme ces mesdames et messieurs surfent sur une vague très porteuse (l'espoir d'une improbable convergence entre la science et la religion nourrit bien des fantasmes...), ils sont surmédiatisés par rapport à leur contradicteurs. Mais ne te méprends pas : leur discours n'a de scientifique que le nom !

Réponse au Commentaire n°1

Ah Miky… Toujours ce vieux réflexe "néo-scientiste"… Les arguments de Michaël Denton ne seraient pas recevables parce qu’ils ne seraient pas "scientifiques"…


N’y a-t-il pas contradiction à affirmer d’une part, comme tu le fais (et avec juste raison), que la science est incapable, par essence, de démontrer l’existence de Dieu, celui-ci n’étant pas "localisable" à la manière des objets de ce monde, et d’autre part de faire usage précisément des méthodes d’analyse et d’étude scientifiques pour démontrer "l’inanité" des arguments des partisans de la théologie naturelle ?

Concernant le livre de Michael Denton, je reprendrais mot pour mot ce que tu écris sur ton blog au sujet des auteurs que tu cites à son encontre : "Précisons que je ne suis pas forcément entièrement d'accord à 100% avec tout ce qui est dit dans ces pages, mais globalement, je pense que les réflexions proposées sont pertinentes et devraient être méditées par tous les défenseurs de la théologie naturelle."

Théologie qui n’a aucune prétention "scientifique" au sens moderne du mot, même si, de fait, elle raisonne à partir des données de la science en vue d’asseoir la démarche de foi sur la raison. Cette réflexion théologique a toute sa raison d’être au regard des insuffisances mêmes de la démarche scientifique : je te renvoie ici une nouvelle fois à mon article écrit à ce sujet.

Je suis donc d’accord avec toi Miky pour dire que les arguments de Michael Denton en faveur de la téléologie ne sont pas pertinents sur le plan scientifique - puisqu’ils excèdent les limites mêmes d’une science résolument étrangère aux questions de la finalité et du sens. Mais ils sont, me semble-t-il, parfaitement recevables dans le cadre d’une métaphysique réaliste qui s’efforce de penser le réel jusqu’au bout, et d’une théologie naturelle qui a pour objet de déceler les traces de la Sagesse divine dans l’œuvre même de la Création.

Commentaire n°2 posté par Miky

Cher Matthieu,

Toujours ce réflexe de qualifier de "néo-scientiste" tout scientifique qui veut appeler un chat "un chat" ? :-)

Michaël Denton a bien le droit de faire de la spéculation métaphysique si ça lui chante (qui vaudra autant que la spéculation métaphysique inverse). Ce n'est pas cela que je conteste. Ce que je conteste, c'est qu'il fasse passer cette spéculation métaphysique comme en quelque sorte l'aboutissement logique de travaux scientifiques/rationnels. Il n'y a pas, contrairement à ce que tu penses, lieu de faire intervenir des causes transcendantes sous seul prétexte que la science a des limites que tout le monde (ou presque) admet d'ailleurs bien volontiers.

Tu dis : "Mais encore une fois Miky : qu’est-ce qui te dis que la démarche scientifique soit la seule valable pour réfléchir sur la question de l’existence de Dieu ?"

Je ne dis pas que c'est forcément la seule démarche valable pour réfléchir à la question de Dieu puisque je dis même que ce n'est pas une démarche valable pour réfléchir à la question de Dieu, et que si on veut quand même faire un peu de métaphysique en extrapolant la démarche scientifique, on trouve autant de raisons de croire en Dieu (beauté, harmonie, ordre, etc.) que de ne pas y croire (horreurs, souffrance, chaos, etc.) . Mais le gros problème avec la métaphysique (qu'elle soit ou non d'inspiration scientifique), c'est surtout qu'elle se présente comme une sorte d'alternative rationnelle à la rationalité scientifique, alors qu'elle ne propose pas de critères pour tester ses affirmations. Pour moi, c'est surtout un jeu de l'imagination, qui n'est pas, certes, dénué d'intérêt, mais qui me semble difficilement en mesure de parler du monde. L'article que j'évoque sur l'inefficacité de la prière intercessoire n'est pas une preuve de l'inexistence de Dieu, juste une raison scientifique de ne pas y croire. Mais on pourrait très bien contester cette raison avec moult arguments. De même, tes raisons de croire en Dieu basées sur la science peuvent être contestées par moult arguments.

Je pense que ton dernier paragraphe décrit bien l'essence véritable de ta démarche et de quelle manière seulement elle peut prendre du sens : "Je suis donc d’accord avec toi Miky pour dire que les arguments de Michael Denton ne sont pas pertinents sur le plan scientifique - puisqu’ils excèdent les limites mêmes d’une science résolument étrangère aux questions de la finalité et du sens. Mais ils sont, me semble-t-il, parfaitement recevables dans le cadre d’une métaphysique réaliste qui s’efforce de penser le réel objectif jusqu’au bout, et d’une théologie naturelle qui a pour objet de déceler les traces de la Sagesse divine dans l’œuvre même de la Création." Autrement dit, la théologie naturelle, telle que tu la définis tout au moins, part du principe que Dieu existe, puis cherche dans la nature ce qui pourrait confirmer cette idée. Malheureusement, en procédant de la sorte, tu ne pourras "convaincre" que des gens déjà croyants (en fait tu ne les convaincras pas vraiment du coup, puisqu'ils seront déjà convaincus).

Si on part du présupposé inverse : Dieu n'existe pas, et que l'on cherche dans la nature ce qui pourrait confirmer cette idée, on fait la même erreur dans l'autre sens.

Et si on ne part d'aucun présupposé ? Eh bien on reste dans le doute. Il y a autant ou aussi peu de raisons de croire en un Dieu que de croire qu'il n'existe pas.

Je te rappelle que ma position se veut neutre : je ne crois pas en Dieu, mais cela n'implique pas que je crois en son inexistence. Je ne crois pas en Dieu pour la même raison que je ne crois pas en la licorne rose invisible. Mais en toute rigueur : je ne sais pas.

Tu dis aussi : "N’y a-t-il pas contradiction à affirmer d’une part, comme tu le fais (et avec juste raison), que la science est incapable, par essence, de démontrer l’existence de Dieu, celui-ci n’étant pas "localisable" à la manière des objets de ce monde, et d’autre part de faire usage précisément des méthodes d’analyse et d’étude scientifiques pour démontrer "l’inanité" des arguments des partisans de la théologie naturelle ?" Non, car c'est Dieu qui est inaccessible à la science, pas les arguments de la théologie naturelle.

Commentaire n°3 posté par Miky

Cher Matthieu,

Je viens de reparcourir tes articles.

Si ton but avait seulement été de montrer qu'il est aussi rationnel de croire que Dieu existe que de croire qu'il n'existe pas, j'aurais été d'accord. Cependant, tu dis : "Quel ne fut pas mon éblouissement de découvrir qu’en l’état actuel de la science, nier Dieu est devenu moins rationnel que croire en Lui."

"Nous allons voir que si l’on ne peut pas prouver scientifiquement (au sens moderne du mot) que Dieu existe, on peut démontrer aisément, je le pense, qu’il est raisonnable de croire, et même davantage : qu’il est plus raisonnable de croire que de ne pas croire."

Si je me base sur ces quelques passages, il en ressort clairement que pour toi, il est, non pas aussi rationnel de croire que Dieu existe que de croire qu'il n'existe pas, mais plus rationnel de croire que Dieu existe que de croire qu'il n'existe pas.

C'est cela, et cela seulement que je conteste.

Du moins les arguments que tu donnes ne permettent pas de conclure qu'il est plus rationnel de croire que Dieu existe que de croire qu'il n'existe pas.

Je ne dis pas que des arguments en ce sens n'existent pas, mais ils ne sont pas là où tu les cherches.

La science (désolé de reparler de la science, mais c'est quand même toi qui dis qu'on y trouve des raisons de croire) ne fournit pas ces arguments, que ce soit dans son activité intrinsèque ou dans ses présupposés ontologiques.

Réponse au Commentaire n°3

Cher Miky,

Le but que je poursuis, en écrivant cette série d’articles sur la question de l'existence de Dieu est de démontrer qu’il existe des raisons de croire, et même - et c’est peut-être l’aspect le plus audacieux de mon propos, j’en conviens - qu’il est plus raisonnable de croire que de ne pas croire.

N’en sois pas offensé, Miky, car mon intention n’est d’être blessant envers quiconque. Mais ce blog est le lieu de libre expression de ma propre pensée, et ce que j’ai affirmé jusqu’alors, j’en suis intimement convaincu. Je ne peux donc le taire.

Je voudrais convaincre mes lecteurs que le croyant peut trouver dans les données de la science un appui sûr pour sa foi ; qu’il n’y pas de contradiction entre les enseignements de la science et la Révélation chrétienne, comme a pu le prétendre une certaine pensée à une certaine époque - et ainsi que ce préjugé demeure encore à l’état latent de nos jours dans de nombreux esprits.

Tu rejettes l’appellation de "scientiste" te concernant, et j’en prends acte. Mais lorsque tu écris que "le gros problème avec la métaphysique (qu'elle soit ou non d'inspiration scientifique), c'est surtout qu'elle se présente comme une sorte d'alternative rationnelle à la rationalité scientifique, alors qu'elle ne propose pas de critères pour tester ses affirmations", cela me fait bigrement penser à ce que disait Louis Pasteur dans son discours de réception à l’Académie française le 27 avril 1882, au sujet d’Auguste Comte, l’un des pontes du scientisme : "Le principe fondamental d’Auguste Comte [de Miky ?...] est d’écarter toute recherche métaphysique sur les causes premières et finales, de ramener toutes les idées et toutes les théories à des faits et de n’attribuer le caractère de certitude qu’aux démonstrations de l’expérience".

J’entends démontrer ici que les athées, qui passent pour plus "raisonnables" que les croyants en ce qu’ils affirment ne croire qu’en ce qu’ils voient et mesurent avec leur sens, ne peuvent en réalité rejeter l’existence de Dieu qu’en vertu d’une croyance qui est du même ordre que la croyance religieuse (je ne parle pas ici de la "foi"), ainsi d’ailleurs que tu le reconnais toi-même : "Je ne crois pas en Dieu pour la même raison que je ne crois pas en la licorne rose invisible. Mais en toute rigueur : je ne sais pas." Et j’aurai l’occasion d’expliquer pourquoi je pense que cette "croyance" athée est finalement, à y regarder de plus près, et en dernière analyse, infiniment moins raisonnable que la croyance religieuse.

J’ose affirmer qu’il est en tous les cas extrêmement audacieux et pour le moins imprudent de prétendre (ce qui n’est pas ton cas, Miky, j’en prends acte également) que la science ne peut fournir aucun argument en faveur de l’existence de Dieu, et de déclarer "hérétiques" le raisonnement téléologique et la théologie naturelle (je vise ici principalement les détracteurs de Michael Denton qui s’opposent en réalité à toute tentative de légitimer la foi en un Dieu créateur au moyens d’arguments métaphysiques tirés de l’observation scientifique de l’Univers).

Tu dis enfin : "les arguments que tu donnes ne permettent pas de conclure qu'il est plus rationnel de croire que Dieu existe que de croire qu'il n'existe pas." Eh bien... c'est magnifique! 😊 Cela augure des échanges passionnants entre nous. Parce que nous sommes sur deux lignes frontalement opposées. Cela dit, je t'annonce que je n'ai fait qu'effleurer le sujet pour le moment. Je n'ai pas encore développé toute ma pensée ni tous mes arguments. Et j'en ai encore sous le pied! 😃 Ce que nous avons commencé à envisager jusque là ne constitue qu’une première approche. Cela n’épuise pas le sujet, loin s’en faut. Le meilleur reste à venir...

vendredi 15 mars 2019

"Le Calvaire est la montagne des saints"

"Nul ne parvient au Salut sans traverser une mer de tempêtes,
sous la perpétuelle menace d'un naufrage.
Le Calvaire est la montagne des Saints.
C'est de là que l'on accède au Thabor."
- Saint Padre Pio De Pietrelcina -

jeudi 14 mars 2019

La science : alliée de l'athéisme?

"Quatre siècles après que la révolution scientifique eut paru détruire irrémédiablement la place spéciale de l'homme dans l'univers, bannir Aristote et rendre caduque toute spéculation téléologique, le flot incessant des découvertes s'est spectaculairement retourné en faveur de la téléologie et du dessein. Et la doctrine du microcosme renaît.

"La science, qui depuis quatre cents ans semblait le grand allié de l'athéisme, est enfin devenue, en cette fin du deuxième millénaire, ce que Newton et beaucoup de ses premiers partisans avaient si ardemment souhaité : le défenseur de la foi anthropocentrique."

mardi 12 mars 2019

Le soleil : une étoile idéalement placée - Dialogue avec un lecteur

Suite à la publication de mon article sur le soleil, notre ami Miky réagit.

Commentaire n°1 posté par Miky

"Il est tout à fait remarquable à cet égard que la position du soleil par rapport à la Terre soit ce qu’elle est : un peu plus près, et le rayonnement du soleil brûlerait tout ; un peu plus loin et le froid stériliserait toute vie. Reconnaissons tout de même la merveille de notre système solaire, organisé idéalement pour nous donner la vie, et son indéfinissable beauté."

Prenons un ordinateur. On peut se dire que si telle ou telle loi de l'électricité ne se vérifiait pas, alors cet ordinateur ne pourrait pas marcher. Va-t-on pour autant s'étonner qu'il marche? Non, car si les lois de l'électricité avaient été différentes, on peut supposer que l'ensemble de l'ordinateur aurait été pensé autrement, de manière à fonctionner.

Un des problèmes des raisonnements que tu utilises, est qu'ils partent du présupposé selon lequel une constante dans l'univers aurait pu être différente de ce qu'elle est, sans que ça ait la moindre répercussion sur toutes les autres. Bref, tu pars du postulat (non démontré) de l'indépendance des constantes de l'univers. Mais si les constantes sont en réalités dépendantes les unes des autres, alors un univers dans lequel juste une serait modifiée est impossible.

Réponse au Commentaire n°1

"Si les lois de l'électricité avaient été différentes, on peut supposer que l'ensemble de l'ordinateur aurait été pensé autrement, de manière à fonctionner."

Cher Miky,

Tu suggères que la vie jaillirait de toute façon – et que les ordinateurs fonctionneraient quand même – si telle constante de l’univers avait des caractéristiques différentes que celles que nous lui connaissons – parce que toutes ses autres constantes s’adapteraient en conséquence.

C’est une pure supposition, totalement gratuite; de la science… fiction. Mais admettons.

D’où vient alors que, dans ton hypothèse, notre univers soit toujours ordonné à la vie, idéalement réglé pour faire fonctionner les "ordinateurs" que nous sommes? D’où vient que l’univers semble "pensé" de manière à faire surgir la vie – comme l’ordinateur de ton exemple est "pensé (...) de manière à fonctionner" ?

Comment se fait-il que la matière inerte et inconsciente se trouve toujours orientée, quel que soit l’état de ses constantes, vers le surgissement de la vie et de la conscience – d’intelligences capables de créer des ordinateurs ? Quelle étrange force la rend capable de poser dans l’existence une réalité – la vie, la conscience réfléchie – qui n’existait pas au départ, dans la matière inerte ?

lundi 11 mars 2019

Les limites de la démarche scientifique

Cet article fait suite à l'article "Existe-t-il des preuves de l'existence de Dieu?" et constitue une réponse à mon interlocuteur athée Miky.


Si je résume bien ta pensée, Miky, telle que tu l’exposes en particulier dans le premier article de ton blog sur l'appel aux causes transcendantes, il y a ce que la science observe et tout ce qui n’a pas encore été démontré par elle.

Les mystères encore cachés de ce monde serviraient, selon toi, d’alibi commode aux croyants pour invoquer l’existence d’un Dieu qui fournirait ainsi une explication trop facile au monde, tel un "bouche-trou" à nos ignorances que l’on emploierait à défaut de trouver d’autres explications valables : "Celui qui, ne supportant pas son ignorance, s'invente un "Dieu des trous" ne fait que couvrir son ignorance d'un peu de dignité, mais ne résout fondamentalement rien", écris-tu ainsi dans ton commentaire n°1 à l’article "La Terre : une planète spécialement configurée pour donner la vie".

Dans un autre commentaire à mon article sur "La Bible... ou les astres?", tu renchéris en affirmant que "Scientifiquement, la doctrine de l'Eglise ne tient pas la route. Rien n'indique que la prière intercessoire ait le moindre effet (excepté placebo lorsque la personne pour qui l'on prie sait que l'on prie pour elle), rien n'indique que les soi-disant miracles de Lourdes ne pourraient pas, en principe, recevoir une explication naturaliste ; quant aux apparitions de la Vierge, cela pourrait très bien être des hallucinations, etc. Les progrès des neurosciences, écris-tu, tendent à expliquer l'esprit, l'âme et les états mystiques en termes naturalistes. Scientifiquement, rien n'indique qu'il y a quelque chose d'autre qui transcende le cerveau, le corps, et leurs relations avec l'environnement."

Je te cite encore dans ton article sur l'argument par l'expérience religieuse : "Les expériences réelles qui ont un impact profond sur une personne peuvent avoir des origines complètement naturelles sans aucune connexion divine. Les expériences mystiques peuvent être reproduites chez quiconque, avec des substances chimiques et des équipements mécaniques. Cela étant établi, quelle raison y a-t-il à penser que les autres rapports relèvent vraiment d'une cause surnaturelle plutôt que naturelle ? (…) Même si une expérience change le cours d'une société, cela ne prouve pas que ces expériences ont une origine surnaturelle. Au plus, cela pourrait rendre compte du degré de persuasion des croyants ou de l'attrait pour ces affirmations."

Ce qui me gêne fondamentalement dans ces quelques réflexions, Miky, c’est qu’elles semblent enfermer tout le champ du réel dans la seule démarche scientifique. Ne semble être vrai pour toi que ce qui peut avoir un fondement scientifique : tout le reste n’a aucun intérêt, et l’homme qui voudra être "raisonnable" (au sens de "rationnel") devra toujours s'en tenir strictement à ce qui est démontré par la science : "il semble toujours préférable, écris-tu dans ton article sur l'appel aux causes transcendantes, face à un phénomène que l'on ne parvient pas à expliquer, de considérer que ce phénomène est sans cause, plutôt que de lui affubler une cause transcendante."

Je ne crois pas trahir ta pensée en la résumant ainsi : ne doit être considéré comme vrai que ce qui est démontré par la science ; ne doit être considéré comme réel que ce qui peut tomber sous l’emprise des sens, que ce qui peut être testé et vérifié. Tout le reste n’est que divagation de l’âme. On peut divaguer si l’on veut ("je n'ai rien contre le fait que l'on croit en Dieu" dis-tu), mais ce n'est que divagation ("ce que la science étudie, c'est d'abord ce que le sens commun nous révèle. Et le sens commun ne nous montre pas Dieu." Au sujet de l’Eucharistie : "A supposer même qu'il y ait quelque chose d'inattendu qui se produise dans l'hostie lorsqu'elle est consacrée, rien n'indiquerait que ce serait Dieu le responsable. Ce serait une hypothèse, mais d'ordre métaphysique car invérifiable. Scientifiquement, on serait juste en face d'un phénomène bizarre, que l'on n'arriverait pas à expliquer (du moins pour le moment).")

Bref, si l'on suit ton raisonnement, on ne pourrait jamais affirmer l’existence d'un Dieu transcendant dans la mesure où l’intelligence est incapable de l'appréhender comme phénomène sur le plan scientifique. Ou comme le disait déjà le célèbre astronome et mathématicien Laplace, du temps de Napoléon : "Dieu ? C’est une hypothèse dont je n’ai pas besoin"...

Mais peut-on dire que la science couvre tout le champ du réel ? N’est-il pas excessif de faire de la connaissance scientifique le seul type de connaissance valable ?

La science n’apporte pas l’intelligibilité complète. La science est vraie, mais elle ne comprend pas tout le réel. L’investigation scientifique est ainsi strictement limitée dans son objet à l’observation des phénomènes et à la recherche de leurs causalités matérielles. Il ne lui appartient pas de s’interroger sur leur raison d’être ontologique, ni de rechercher le sens de la destinée humaine. Ces questions de l’existence et du sens ne relèvent pas de la science, mais de la philosophie et de la théologie.

Si les sciences positives excluent a priori les explications qui n’ont pas leur source dans la réalité matérielle, cherchant absolument une cause naturelle aux phénomènes observés et rejetant absolument les explications surnaturelles, c’est en vertu de leur méthodologie propre, parce que leur objet se limite à l’étude de la réalité matérielle. En cours de peinture, on n’étudie pas Mozart. Non parce que Mozart n’existe pas ou qu’il n’est pas intéressant, mais parce qu’en peinture, on fait de la peinture, on ne fait pas de la musique ! Eh bien pareillement. Poser l’existence de réalités non matérielles, c’est sortir de la science – voilà pourquoi les explications surnaturelles sont proscrites, a priori, dans le domaine scientifique. Cela ne veut pas dire qu’elles n’existent pas ni qu’elles ne peuvent être étudiées dans une autre discipline rationnelle (tout aussi scientifique en son ordre) ; cela veut dire simplement qu’elles se trouvent en dehors du champ de la science moderne qui ne regarde QUE la matière, parce que tel est son objet exclusif. Si la science ne regarde QUE la matière (méthodologiquement), elle ne dit pas qu’il n’y a QUE la matière (ontologiquement) ni qu’elle est le seul mode de connaissance possible du réel. Le scientifique qui affirmerait cela sortirait lui-même du champ de la science, puisqu’il énoncerait là une proposition métaphysique irrecevable sur le plan scientifique. Il n’appartient pas à la science de statuer sur les questions métaphysiques ; de déterminer s’il n’existe QUE la matière ou s’il existe d’autres types d’êtres que ceux que l’on peut connaître par l’observation ou le calcul.

La science est donc impuissante, de par sa nature et son objet, à résoudre les problèmes les plus chargés de signification pour l’homme. Sa vocation est de chercher à comprendre CE QUE SONT matériellement et quantitativement les choses et les phénomènes qui se manifestent dans la réalité matérielle qu’elle ausculte, non POURQUOI ils existent qualitativement. Pour le dire avec un langage plus philosophique : la science regarde l’ESSENCE des choses, mais non leur EXISTENCE en tant que telle – qu’elle se donne pour acquis. La science est donc incapable – parce que ce n’est pas son rôle – de fournir la moindre réponse aux grandes questions de l'existence : qui suis-je fondamentalement ? Pourquoi j'existe? Ma vie a-t-elle un sens ? Comment dois-je l’orienter ? Est-il possible qu’elle se poursuive au-delà de la mort ?...

Les merveilles scientifiques et techniques ne pourront jamais assouvir la soif qui habite le cœur de l’homme de trouver un sens à son existence, d’aimer et d’être aimé. "La science ne répond pas à toutes les questions que nous sommes susceptibles de lui poser, écrivait Louis Leprince Ringuet, grand spécialiste des rayons cosmiques. Elle nous laisse toutes options ouvertes… Alors même que nous irions promener notre angoisse sur la lune, notre angoisse resterait la même." 

"Croire que l’on va trouver la signification de la vie au bout d’un microscope ou d’une lunette astronomique est une plaisanterie. Analysez les larmes d’une femme qui pèle ses oignons, comparez le résultat à l’examen d’autres larmes qu’elle a versées à la mort de son mari, et essayez de découvrir la différence dans votre laboratoire ! Pauvreté de la science lorsqu’on lui assigne pour tâche la signification de l’univers" (Stan Rougier, in Dieu était là et je ne le savais pas, Presses de la Renaissance 1998, Pocket, page 163).

Le grand physicien allemand Albert Einstein lui-même déclarait : "La religion sans la science serait aveugle, la science sans la religion serait boiteuse".

Ce qui me fait affirmer l’existence de Dieu, Miky, ce ne sont pas les "trous", les insuffisances actuelles de l’explication scientifique, ses mystères provisoires, mais bien au contraire tout ce qu’elle arrive déjà à expliquer, ainsi que nous le verrons dans la poursuite de notre étude sur la Création – tout ce que nous savons de manière certaine et définitive sur l’univers et qui est incontestable ; tout ce sur quoi la science ne reviendra pas.

"Il est à remarquer incidemment, écrivait André Frossard (in Dieu en questions, Desclée de Brouwer, 1990, pages 67-68) que plus on avance dans l’investigation des choses, plus leur mystère grandit. Une femme qui tricote est toujours mystérieuse par la combinaison de présence et d’absence qui caractérise ce genre d’occupation. Mais quand on sait qu’il s’agit en réalité d’un conglomérat de particules élémentaires associées en atomes constitués en molécules en train de faire du tricot, le mystère prend des proportions cosmiques. C’est lorsque les choses sont scientifiquement expliquées qu’elles ont le plus besoin d’une explication religieuse."