En ce premier jour du mois de mai, mois de Marie - le plus beau mois de l'année - je vous présente un article initialement publié sur le blog Totus Tuus en réponse à l'un de mes lecteurs évangéliques (Stéphane) qui m'avait adressé, sous la forme d'un commentaire, une violente diatribe contre la dévotion mariale des catholiques.
Cher Stéphane,
Ton allergie à la Vierge Marie me rappelle de longues discussions avec un ancien collègue de travail protestant qui n'admettait pas l'idée qu'il puisse y avoir d'autre médiateur entre Dieu et les hommes que Jésus-Christ lui-même.
Il s'appuyait ainsi sur cette parole de la première Epître de Saint Paul à Timothée : "En effet, il n'y a qu'un seul Dieu, il n'y a qu'un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s'est donné lui-même en rançon pour tous les hommes." (1 Tm 2. 5)
L'expression de "Marie médiatrice" ou pis, de "Marie co-rédemptrice", le faisait sursauter et provoquait systématiquement de vives réactions de sa part.
Mais, lui répondis-je un jour : n’as-tu pas l’impression, lorsque tu annonces Jésus-Christ comme unique Médiateur entre Dieu et les hommes, de te comporter toi-même… en médiateur entre le monde encore plongé dans les ténèbres de l'ignorance et du péché, et son unique Sauveur ?
Comment se passer en effet de la médiation des hommes pour connaître Jésus-Christ, l'Unique médiateur entre Dieu et les hommes ? La foi naît d’une parole entendue, écrit l’apôtre Paul (Romains 10. 14-17) : "Comment invoquer le Seigneur sans avoir d'abord cru en lui ? Comment croire en lui sans avoir entendu sa parole ? Comment entendre sa parole si personne ne l'a proclamée ? Comment proclamer sans être envoyé ? C'est ce que dit l'Écriture : Comme il est beau de voir courir les messagers de la Bonne Nouvelle ! (…) C'est donc que la foi naît de ce qu'on entend ; et ce qu'on entend, c'est l'annonce de la parole du Christ."
Il n'est donc pas juste d’affirmer que nous n’avons pas besoin des hommes pour connaître Dieu. Tu ne connaîtrais pas Jésus-Christ, Stéphane, si personne ne t’en avait parlé. Ce sont des médiations humaines qui t’ont conduit à lui, à moins que tu aies bénéficié d’une apparition directe et particulière, ce qui n’est pas le moyen ordinaire que le Seigneur emploie pour se révéler.
Sans l’Eglise, personne n’aurait jamais entendu parler de Jésus-Christ, Fils de Dieu envoyé par le Père pour le Salut du monde.
Sans la médiation de Matthieu, Marc, Luc, Jean, Paul, Pierre, Jacques… il n’y aurait pas eu de Nouveau Testament.
Sans médiation humaine, il n’y aurait pas de Bible du tout, car la Bible n’est pas un aérolite descendu du Ciel, mais un Livre (une bibliothèque en fait) écrite de mains d’hommes, sous l’inspiration du Saint Esprit de Dieu.
Il a donc fallu de multiples interventions humaines pour que les textes sacrés nous parviennent en leur forme actuelle, comme il en a fallu encore pour discerner parmi les nombreux écrits contemporains des livres canoniques ceux qui sont inspirés et ceux qui ne le sont pas (les apocryphes).
Et il a fallu aussi la médiation de Marie pour que la Parole de Dieu se fasse chair. Sans l’acquiescement de la Vierge à la parole de l’Ange, Jésus-Christ ne serait pas né. C’est en ce sens d’abord que Marie est co-rédemptrice. C’est par elle - par un acte de sa libre volonté - que le Salut est entré dans le monde, comme ce fut par Eve - par un acte de sa libre volonté - que le péché est entré dans le monde. Jésus-Christ est ainsi le Nouvel Adam, Principe de la Nouvelle Création, et Marie, préfigurant l’Eglise toute entière, la Nouvelle Eve.
Tout cela ne remet nullement en cause la vérité que tu as bien raison de proclamer sur tous les toits, à savoir que Jésus-Christ est l’unique médiateur entre Dieu et les hommes, l’unique Rédempteur, et qu’il n’y a pas d’autre nom par lequel nous puissions être sauvés : "En dehors de lui, il n'y a pas de salut. Et son Nom, donné aux hommes, est le seul qui puisse nous sauver." (Actes 4.12)
Mais ceci posé, de même qu’il a fallu de multiples médiations humaines pour que la parole de Dieu raisonne à nos oreilles d’homme et touche nos coeurs, de même qu’il a fallu la médiation de Marie pour que l’unique Sauveur des hommes vienne au monde, il faut maintenant la médiation de l'Eglise pour que la Bonne nouvelle du Salut offert par Dieu en Jésus-Christ parviennent aux extrémités du monde. "Allez dans le monde entier, dit Jésus à ses disciples avant de partir vers son Père. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création". (Mc 16. 15) Sans cette proclamation, sans cette "parole entendue", les hommes (et c’est terrible à dire) ne pourront accueillir leur Sauveur par la foi, et le salut du monde ne pourra se réaliser.
"De même que le Père m’a envoyé [et institué, pourrait-on dire, unique médiateur entre le Ciel et la Terre], moi aussi, je vous envoie [et vous institue à mon tour uniques médiateurs entre le Monde et son Unique Sauveur]" (Jn 20. 21). Il nous faut prendre au sérieux cet envoi. Il manifeste la grandeur de l’homme à qui est donné, par Jésus-Christ lui-même, le pouvoir de participer à l’oeuvre divine de Rédemption du monde. Par lui, avec lui et en lui, nous sommes médiateurs et co-rédempteurs du monde. C’est ce que suggère Saint Paul lorsqu’il écrit en Colossiens 1. 24 : "J’achève en ma chair ce qui manque aux souffrances du Christ pour son corps qui est l’Eglise".
Le salut du monde dépend donc en un sens tout autant du sacrifice volontaire du Fils, que de la proclamation de l’Evangile par l’Eglise,… et par la Vierge Marie, la "Reine des Apôtres". Sur tous les lieux d’apparitions de par le monde, elle joint sa voix à celle de l’Eglise pour proclamer, ainsi que tu le fais fort bien, Stéphane : "Jésus-Christ est Seigneur, il est l’unique Sauveur des hommes, tournez-vous vers lui et vous serez sauvés". Partout où Marie se manifeste dans son corps glorieux, des foules viennent et se convertissent par millions… à Jésus-Christ et à son Eglise.
La mission que la Vierge Marie tient du Seigneur est donc celle de toute l’Eglise : conduire l’humanité à son Unique Sauveur. En ce sens, elle est médiatrice et co-rédemptrice. Avec toute l’Eglise.
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