mardi 23 avril 2019

Ce que nous enseignent les sciences de la nature - Dialogue avec les lecteurs (6)

Suite du débat avec les lecteurs du blog Totus Tuus consécutif à la publication de la citation d'Albert Vandel sur Ce que nous enseignent les sciences de la nature".

Commentaire n°16 posté par Miky

Cher Matthieu,

Ce que j'ai dit des "débuts" de l'univers peut être transposé tel quel à ses "fins", même dans l'hypothèse d'un univers en expansion.

Le site que tu... cites, mentionne ceci : "Pour simplifier, l’univers ne connaît pas la mort dans le temps, mais il connaît la mort du temps, et donc de l’espace. Autrement dit, la question de la naissance et la mort de l’univers ne se pose ni dans le temps ni dans l’espace. Ils sont eux mêmes la trame de l’univers."

C'est exactement ce que je dis. Si le "début" et la "fin" de l'univers sont le "début" et la "fin" de l'espace-temps, alors l'univers est éternel en ce sens que l'on ne peut penser son "début" et sa "fin", que ce sont des abstractions de l'esprit. Comment veux-tu que l'écoulement du temps puisse amener l'univers à un instant où le temps n'existe pas ? Comment veux-tu que le temps soit apparu à un instant avant lequel il n'existait pas ? S'il n'y a pas de temps, alors il n'y a pas de sens à parler d'instants, d'avant, d'après, de causalité, etc.

Si tu te poses les questions : "qu'y avait-il avant le temps ?", "qu'y avait-il après le temps ?", "quelle est la cause du temps ?", tu emplois des concepts qui n'ont de sens qu'inscrit dans une temporalité. Tu supposes donc l'existence d'un temps avant le temps, d'un temps après le temps, etc. (et tu y places ton Dieu qui, un jour, a décidé de créer l'univers [ce faisant : tu emplois encore des catégories de temps]). Mais ce temps avant le temps, ce temps après le temps, posent les mêmes questions... Après "quelques tours de manivelles", il faut se rendre à l'évidence : le "commencement" du temps ne s'inscrit pas dans le temps, la "fin" du temps ne s'inscrit pas dans le temps, le temps lui-même ne s'inscrit pas dans le temps (il n'y a pas de sens à se demander à quelle vitesse le temps s'écoule puisque toute vitesse se mesure par rapport au temps).

Comme l'explique le site : le temps et l'espace sont eux-mêmes la trame de l'univers.

Se demander ce qu'il y avait avant le temps et ce qu'il y aura après le temps, c'est du même genre que se demander ce qu'il y a au sud du pôle sud et au nord du pôle nord.

Ce qui serait plus adéquat de dire, c'est que l'espace-temps existe de toute éternité, hors du temps, et qu'il mesure X milliards d'années de durée et Y milliards de kilomètres de circonférence. Sachant qu'il faut éviter la tentation que l'on a de vouloir le mesurer "de l'extérieur", en l'imaginant inclus dans quelque chose de plus vaste, ce qui n'est pas forcément le cas.

Il y a deux apories contradictoires au sujet du temps :
- soit on le conçoit comme éternel au sens d'une durée infinie, ce qui est rationnellement inconcevable ;
- soit on suppose que le temps est apparu à un moment donné, et qu'avant il n'existait pas, ce qui est rationnellement inconcevable également car on utilise des concepts temporels en dehors du domaine où ces concepts prennent sens.

La meilleure conception, c'est d'admettre à la fois que le temps est fini, mais qu'il n'a pas de limites, de la même manière qu'une sphère est finie mais n'a pas de limites. On ne peut pas sortir du temps, de même qu'un être bidimensionnel qui vivrait "dans" la surface d'une sphère ne peut pas sortir de cette sphère. On peut aussi dire que le temps a bien des limites, mais ces limites sont hors du temps, donc éternelle, de même que la sphère a bien des limites, mais ces limites sont hors de la sphère, elles correspondent à la sphère qui entoure immédiatement cette sphère et à la sphère qui est entourée immédiatement par cette sphère, ce qui introduit en passant une dimension supplémentaire.

Bien sûr, si l'univers est en expansion perpétuelle, alors il s'agit davantage d'un entonnoir que d'une sphère, mais le principe reste le même.

Sinon merci, mais je ne suis pas désespéré et je ne cherche pas à tout prix à sauvegarder l'éternité de l'univers car je trouve que ça serait chouette et super cool si un bon Dieu qui m'aime personnellement existait et qu'on pouvait le prouver... Malheureusement, malgré tes tentatives de fonder son existence sur les difficultés de notre esprit à appréhender la complexité de l'univers, il reste un fait concret et bien établi qui vient balayer ton château de cartes : ce Dieu s'arrange pour ne pas dévoiler sa présence ou est dans l'incapacité de nous la dévoiler. Dès lors, se pose la question de sa bonté et de sa puissance...

La seule position qui me paraît raisonnable sur Dieu consiste à le placer dans les trous de la connaissance, non pas dans les trous temporaires, qu'une meilleure connaissance pourrait venir combler, mais dans les trous incomblables car présupposés par l'activité même de connaître : les principes premiers de la connaissance ne peuvent, en effet, pas être l'objet de la connaissance, et laissent une marge de manoeuvre pour la croyance. Ils constituent la part de mystère résiduelle et insondable de l'univers, le "point aveugle" qui permet la "vision" de l'univers.

La seule position raisonnable sur Dieu est donc une sorte de déisme agnostique qui pose un principe absolu qui fonde ontologiquement la connaissance mais qui n'intervient pas (ou alors de manière indétectable) dans le cours des choses, et qui semble indifférent aux personnes prises individuellement.

Réponse au Commentaire n°16

Cher Miky,

Tu reprends un passage du site sur lequel je te renvoyais, qui postule que "la question de la naissance et de la mort de l’univers ne se pose ni dans le temps ni dans l’espace." Peut-être… mais elle se pose quand même, objectivement, à l’homme temporellement et spatialement situé qui cherche à comprendre le monde dans lequel il vit !

"Si le "début" et la "fin" de l'univers sont le "début" et la "fin" de l'espace-temps, alors l'univers est éternel en ce sens que l'on ne peut penser son "début" et sa "fin", que ce sont des abstractions de l'esprit." Un univers éternel Miky n’est pas un univers dont on ne peut penser le début et la fin, mais un univers qui n’a ni début ni fin, ce qui n’est pas la même chose.

"Comment veux-tu que l'écoulement du temps puisse amener l'univers à un instant où le temps n'existe pas ? Comment veux-tu que le temps soit apparu à un instant avant lequel il n'existait pas ? S'il n'y a pas de temps, alors il n'y a pas de sens à parler d'instants, d'avant, d'après, de causalité, etc." Ici, deux remarques : tu dis qu’il n’y a pas d’instant avant et qu’il n’y a pas d’instant après, mais tu en déduis un peu hâtivement (je trouve) qu’il n’y a pas à parler d’instants ! Car s’il n’y a pas de temps avant ni de temps après l’univers et son espace-temps, il y a bien un temps pendant, un espace-temps qui est celui-là même de l’univers ! Et c’est de cela dont il convient de rendre compte sur le plan philosophique.

Deuxième remarque : tu vas un peu vite en besogne en déclarant qu’il n’y a pas lieu de s’interroger sur la cause de l’univers. Tu précises ta pensée au paragraphe suivant : "Si tu te poses les questions : "qu'y avait-il avant le temps ?", "qu'y avait-il après le temps ?", "quel est la cause du temps ?", tu emplois des concepts qui n'ont de sens qu’inscrit dans une temporalité." : Eh bien pas du tout ! Je ne m’intéresse pas à la cause temporelle de l’univers, mais à sa cause ontologique. Lorsque j’affirme ma foi en un Dieu Créateur, Cause première de l’univers dans lequel nous vivons, je fais référence à un Dieu éternel, qui par définition est en dehors du temps et de l’espace propres à notre univers – qui est l’œuvre de Dieu et ne se confond pas avec son Créateur. [Rappelons au passage que les scientifiques se sont souvent gaussés de cette conception d’un Dieu au-delà du temps et de l’espace – cet "au-delà" leur apparaissant inconcevable dans un cosmos longtemps imaginé éternel dans le temps et infini dans l’espace. C’est la réalité positive elle-même (non les prêtres) qui allait manifester aux savants du monde entier – avec la découverte du Big Bang – cet « au-delà » du temps et de l’espace qui, bien qu’il reste impossible à imaginer, se tient de l’autre côté du mur de Planck… avec la clef du mystère de nos existences. NDLR]

Après, victime sans doute de l’emballement de ta pensée, tu en viens à énoncer deux absurdités (au sens propre du terme) :

- "le "commencement" du temps ne s'inscrit pas dans le temps, la "fin" du temps ne s'inscrit pas dans le temps, le temps lui-même ne s'inscrit pas dans le temps". Ben voyons ! Le temps ne s’inscrit pas dans le temps, l’univers ne s’inscrit pas dans l’espace, donc, si l’espace-temps, qui est la "trame" de l’univers, n’existe pas, alors l’univers lui-même n’existe pas, et en fait tout cela n’est qu’illusion… Tu as entendu parler du principe de non-contradiction?

- "Ce qui serait plus adéquat de dire, c'est que l'espace-temps existe de toute éternité, hors du temps" : je trouve fascinant que tu considères intellectuellement satisfaisant de dire que "le temps existe hors du temps"! Non, ce qui serait adéquat de dire, c’est que l’espace-temps existe réellement – qu’il n’est pas une illusion – et qu’il a été créé par un Être qui, Lui, est en dehors du temps. Cela paraît moins fumeux comme raisonnement que d’énoncer des sophismes absolument étrangers à l’expérience concrète que nous avons de l’univers.

Car enfin, si l’univers est né (peu importe "quand" finalement : on ne sait pas non plus "quand" Jésus est né, mais ce n’est pas vraiment là l’essentiel) ; si l’univers croît et se développe, et s’il meure un jour comme semble bien le croire le monde scientifique (peu importe "quand") ; si aucun univers ne précède notre univers et si aucun univers ne le suit, comme cela semble le cas (l’hypothèse des univers successifs ne s’appuie sur aucune base scientifique) ; alors la conclusion s’impose : notre univers n’est pas éternel – il ne peut être considéré comme tel.

Et en admettant qu’il le soit avec les caractéristiques que lui reconnaissent aujourd’hui la science (imaginons par exemple que la "fine pointe d’épingle" de laquelle jaillit le Big Bang existe de toute éternité, et que l’univers ayant achevé sa course s’enfonce dans la nuit et le froid pour l’éternité), alors la question qui se pose à notre humaine intelligence se veut plus pressante encore : que s’est-il passé pour que l’univers sorte subitement de sa léthargie "éternelle" pour se mettre en mouvement et entrer dans un cycle unique et irréversible de "naissance-croissance-mort" jusqu’à retourner, à la fin, à sa léthargie originelle, pour l’"éternité" ?

Tu vois donc Miky que la question n’est pas tant de savoir ce qu’il y a à l’extérieur de la "sphère" (pour reprendre ton image), que de savoir ce qu’est la sphère elle-même - et pourquoi elle existe. Quand tu as fini d’expliquer ta théorie sur le temps, tu n’as encore rien expliqué de l’univers.

"… malgré tes tentatives de fonder l’existence de Dieu sur les difficultés de notre esprit à appréhender la complexité de l'univers, il reste un fait concret et bien établi qui vient balayer ton château de cartes : ce Dieu, s'arrange pour ne pas dévoiler sa présence ou est dans l'incapacité de nous la dévoiler. Dès lors, se pose la question de sa bonté et de sa puissance..."
1°) Je ne crois pas du tout que l’esprit humain ait quelque difficulté à appréhender la complexité de l’univers, qu’il perçoit au contraire de plus en plus et de mieux en mieux à mesure que la science progresse. Mais précisément, face à cette complexité qui est une réalité, je trouve pour le moins téméraire de postuler par avance que Dieu n’existe pas, comme si cela allait de soi et constituait une évidence. Je sais bien que ce n’est pas tout à fait ton cas Miky, mais je m’adresse ici aux véritables athées : il n’est pas raisonnable, compte tenu de ce que nous savons de notre univers, d’exclure a priori et définitivement l’existence d’un Dieu Créateur.
2°) Si Dieu n’est pas immédiatement visible aux yeux des hommes, c’est peut-être parce que nous ne savons plus voir ni penser correctement. Personnellement (et sans vouloir me donner en exemple) la moindre fleur me parle de Dieu, comme le ciel étoilé parlait au cœur d’Abraham Lincoln.

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