vendredi 26 avril 2019

Ce que nous enseignent les sciences de la nature - Dialogue avec les lecteurs (7)

Suite du débat avec les lecteurs du blog Totus Tuus consécutif à la publication de la citation d'Albert Vandel sur Ce que nous enseignent les sciences de la nature".

Commentaire n°17 posté par le Pasteur Eric

J'ai fait un peu de recherches aujourd'hui : la citation de Macchabée se traduit littéralement ainsi : "ne les a pas fait de choses qui étaient". Une expression entre autre utilisée dans les mythes de création grec pour parler du chaos primitif... Le rien au sens de néant se dit oudeis en grec et ce n'est pas le terme utilisé ici.

Réponse au Commentaire n°17

Cher Pasteur,

A mon tour, je me suis permis une petite recherche sur le mot hébreu "bara", que l'on traduit par "créa" au premier verset du livre de la Genèse : "Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre".

Il est vrai que ce terme n'implique pas nécessairement, comme notre mot "créer" peut le suggérer en français, l'absence de toute matière déjà existante : mais il faut observer que dans la Bible, lorsque ce verbe désigne une action exercée sur une matière existante, il se met à une autre forme (pihel, béré) et a pour sujet un être humain et pour objet la matière même sur laquelle le travail s'exerce (Josué 17.15), tandis que dans la forme employée ici, il a toujours pour sujet Dieu et pour objet le résultat de l'action accomplie (Isaïe 43.1).

Du reste l'hébreu a d'autres expressions pour désigner l'action de Dieu sur une matière existante : asa, faire (versets 7, 16, etc.), jatsar, former (2.7), etc.

Mis en relation, comme il l'est ici, avec l'idée de commencement, ce mot ne peut désigner que la formation ex-nihilo de la matière  ; autrement il faudrait admettre que, dans la pensée de l'auteur, le chaos est apparu de lui-même ou qu'il est éternel, deux suppositions qui seraient évidemment contraires à l'intuition de tout le récit.

Commentaire n°18 posté par le Pasteur Eric

Navré Matthieu, mais je ne vois pas très bien comment vous pouvez prétendre saisir l'intuition du texte sans tenir compte ni de l'historico-critique (le récit de la création est une réécriture de mythes babyloniens qui ne parlent pas de création ex-nihilo), ni de la sémantique (le Tohu Bohu n'est pas le rien - le terme utilisé alors en hébreux serait hebel, la brise, le presque rien). Bara est utilisé lorsque Dieu crée l'homme (or dans l'idée de la Genèse, l'homme n'a pas été tiré du néant), et à de nombreuses autres reprises dans un sens qui ne veut pas dire ex nihilo (quand Dieu crée l'artisan ou le destructeur (Esaïe LIV, 16, il ne les tire pas du néant ) Il n'y a donc aucune raison probante pour lire bara comme indiquant une création ex-nihilo... Libre à vous de le croire, bien sûr, je ne fais pas de mon point de vue un dogme mais je pense qu'une autre lecture est possible et légitime...

Mais surtout, dans la pensée de l'auteur, comme vous dites, la question de la provenance de ce Tohu Bohu à partir duquel Dieu crée le ciel et la terre ne se pose absolument pas (sinon, il le dirait). Petit rappel, le Beth qui commence la Genèse est considéré dans la pensée juive comme une sorte de mur de Planck, quelque chose qui est inconnaissable pour l'esprit humain. De toute façon, je maintiens que le récit de la création n'est pas un récit sur l'origine mais bien plus un récit de promesse : le 7ème jour est bien plus important que le 1er et c'est vers là qu'il nous faut tourner nos regard. La science nous renseignera peut-être un jour sur ce qui fut à l'origine, mais c'est vers le but que la foi nous pousse à nous tourner et c'est là que la révélation biblique joue un rôle...

Réponse au Commentaire n°18

Et comment les juifs interprètent-ils ces versets de leur Bible? 😀

Commentaire n°19 de ti'hamo

Pour revenir sur l'évolution, rappelons quand-même qu'en sa forme première, cette théorie extrapole un fait observé et compris (par Darwin et quelques autres à une époque ou ce fait n'avait pas encore été si bien décrit et compris) : l'évolution INTRA-espèce, à l'échelle de l'ensemble des espèces, c'est à cire l'évolution INTER-espèce, d'une espèce à l'autre, qui n'est ni observable ni vérifiable.

...un peu comme affirmer que d'autres espèces humaines ayant intelligence, philosophie, capacité de création et d'amour, ont déjà existé, autres que nous : c'est s'avancer un peu loin quand on ne trouve que des fragments de squelettes (ou alors je me mets dès aujourd'hui à la squelettomancie).

Bien sûr, concernant l'évolution des espèces, il peut s'agir d'une intuition de génie, mais alors le mécanisme proposé n'est absolument pas satisfaisant (se contenter de dire que les plus faibles se font bouffer et se dire que, comme ça se passe sur très longtemps, il pourrait bien se passer en milliards d'années ce qui ne se passe pas en milliers d'années... : très artificiel, comme extrapolation. pas convainquant.) (d'autant que, appliqué tel quel, le principe de sélection naturelle risque de montrer qu'au contraire aucune évolution lente par étape n'est possible, c'est d'ailleurs à cette dernière affirmation que je souscris).

Quant à partir du principe que "oui mais la majorité des scientifiques pense ceci donc ça m'a l'air très vrai et on va s'en tenir là" ou, plus exact, "oui mais les échos vulgarisateurs qui s'échappent de la communauté scientifique jusqu'à nous présentent les choses ainsi, donc ça doit être vrai",
non seulement c'est là une attitude fort peu scientifique (puisqu'elle revient à s'interdire d'aller explorer ailleurs),
mais c'est avouer très mal connaître l'histoire des sciences.
A l'époque de Pasteur, celui-ci passait pour un peu sympathique hérétique avec sa lubie de vouloir (l'idiot !) prouver la non-réalité du principe de génération spontanée (qui faisait alors quasi-l'unanimité). De même les débats sur l'éther, le phlogistique, la nature de la lumière.

C'est aussi faire bien peu de cas du biais introduit dès l'origine dans la construction et la compréhension de l'évolution, puisque justement certains ont voulu, à l'époque, en faire bien plus qu'une théorie scientifique, et en faire une preuve de la non-existence de Dieu (en passant d'ailleurs par des impostures scientifiques te création de faux fossiles).

Or ce biais est resté, dans beaucoup d'esprits. Et les travaux remettant en cause certains principes de la sélection naturelle (mais non de l'évolution !), sont actuellement mis sur la touche d'emblée, et a priori, pour des motifs non scientifiques.
(donc, non, ce n'est pas de la paranoia de croire la communauté scientifique non indemne de malhonnêteté, conflits d'intérêt, mesquineries, esprit dogmatique et manque d'ouverture. c'est juste la connaître et ne pas s'en faire une vision idyllique, parce qu'on ne s'appelle pas Voltaire.)

... sur la création "ex-nihilo", il me semble que St Augustin a pas mal discuté le sujet, et assez bien conclu... ...que finalement (après plusieurs pages de questions et développements, tout de même) d'après lui, peu importe que la Création telle que nous la connaissons soit ex-nihilo ou à partir d'une matière première informe (et il dit bien que le récit de la Genèse peut s'interpréter dans les deux sens !), puisqu'alors même cette manière informe devrait bien avoir trouvé son origine en Dieu.

... Enfin, quant au fait que Dieu ne soit pas appréhendable par la raison :
- dans ce cas, c'est rien qu'un vieux sadique ("allez, je vous donne un moyen de comprendre et appréhender le monde qui vous entoure, mais il vous servira à rien, vous arriverez pas jusqu'à moi, j'ai brouillé les pistes")
- "être appréhendable par la raison" ne fait pas que Dieu soit "inféodé à la raison" ; ce serait seulement, dans cette optique, qu'il nous donne un moyen naturel de l'appréhender, et qu'en même temps il se met à notre portée ; or, justement, il me semble que cela correspond assez bien au Dieu que j'ai croisé dans la Bible ou les Evangiles : un Dieu jamais totalement compréhensible, ni visible, ni totalement appréhendable, tellement "gigantesque" métaphysiquement parlant... ...et qui pourtant se met à la portée de sa création et de son peuple (palabrer pendant 3 heures pour savoir à combien de justes on estime la ville, en partageant un méchoui, pour l'Etre Originel à l'Origine de Toute Chose et de Tout Univers, quand-même... voire s'"abaisser" à supplier et pleurer son peuple de revenir à lui...)
(et à ce sujet si la genèse n'était qu'une reprise de mythes babyloniens, ça poserait un problème puisque ces civilisations vénèrent la nature ou des forces de la nature personnifiées, alors que la Genèse affirme que la Nature n'est rien que la création de Dieu, qu'elle ne tire pas son existence d'elle-même, et que les "forces de la Nature" sont rien que des luminaires ou de la flotte)

Le dieu qu'on voit là, justement ne reste pas caché (et, à ce sujet : non plus, il ne reste toujours pas caché - nous parlons de Nature? et bien mais toute la nature me parle de Dieu - de l'immensément grand au minusculement petit, et du moindre subtil mécanisme)

Commentaire n°20 posté par le Pasteur Eric 

Plusieurs choses comme ça, sans être scientifique mais en ayant quand même un peu lu sur la raison...

Si, l'évolution inter-espèce est observable. Bien sûr vous n'allez pas voir un dinosaure se transformer en oiseau mais l'étude des fossiles, de l'anatomie des animaux correspondent justement à ce qu'on pourrait s'attendre à voir selon la théorie de Darwin. Or c'est justement comme ça que la science fonctionne : une théorie et des faits qui lui donnent raison jusqu'à ce qu'un fait vienne casser le paradigme. Après, sur le mécanisme de l'évolution, là c'est vrai qu'il y a débat...

Pareil pour les différentes espèces humaines : Néanderthal n'est pas Sapiens mais il enterre ses morts de façon rituelles, il fabrique des bijoux. Bref lui prêter des sentiments semblables aux nôtres, n'est pas une pure extrapolation mais bien l'hypothèse la plus vraisemblable. Et ça pose quand même une question sérieuse à l'idée de l'homme comme aboutissement de la création...

Pour Saint Augustin, je viens de finir La création du monde et malgré tout mon respect pour l'auteur, je n'y vois aucune démonstration. Dire "seul Dieu est incréé donc le Tohu Bohu est créé" ce n'est pas une démonstration.

Réponse au Commentaire n°20

Cher Pasteur,

Sur Sapiens, je vous renvoie à ce que nous échangions plus haut.

Sur le Tohu Bohu, j'avoue ne pas très bien saisir où vous voulez en venir. Que souhaitez-vous démontrer? Que le Tohu-Bohu est incréé? Qu'il y aurait donc de l'être en dehors de Dieu? Tout cela n'est pas sans poser un certain nombre de difficultés, ainsi que je vous l'écrivais plus haut.

Commentaire n°21 posté par le Pasteur Eric

Qu'il y ait de l'être en dehors de Dieu ne pose problème qu'à une vision augustinienne de Dieu, vision qui doit (sur ce point prècis) plus à Platon qu'à la Bible. Augustin tient absolument à ce que Dieu soit l'être suprême des philosophes grecs...

Pour le reste il s'agissait surtout de corriger ce qui me semblait être des écarts de langage...

Réponse au commentaire n°22

"Qu'il y ait de l'être en dehors de Dieu ne pose problème qu'à une vision augustinienne de Dieu, vision qui doit (sur ce point prècis) plus à Platon qu'à la Bible."

Connaissez-vous cher Pasteur ce très beau texte de Platon?

"C'est [dans le Christ] que TOUT a été créé,
dans les cieux et sur la terre,
les êtres visibles et les puissances invisibles :
TOUT est créé par lui et pour lui.
Il est avant TOUS les êtres,
et TOUT subsiste en lui."
(Col 1. 16-17)

Ou cet autre :

"Par [le Verbe] TOUT s'est fait,
et RIEN de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui"
(Jn 1. 3)

Commentaire n°23 posté par ti'amo

...ah, oui, je me disais, aussi...

Si la Genèse relit les mythes babyloniens en montrant ce qu'ils ont de faux et de n'importe quoi, donc il ne s'agit absolument pas d'une reprise de ces mythes, ou alors j'ai rien compris. (bon, alors, la Genèse, en fait, c'est rien qu'une reprise des mythes babyloniens sauf que ça n'a rien à voir.)

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