mardi 22 janvier 2019

Dieu ou le néant - Dialogue avec les lecteurs

Suite à la publication de l'article "Dieu ou le néant" sur le blog Totus Tuus, une discussion s'instaure avec quelques lecteurs.

Commentaire n°1 posté par Miky

Bonjour Matthieu,

J'ai lu tes deux premiers articles sur la question de l'existence de Dieu ("Nier Dieu est devenu moins rationnel que croire en Lui" - Dieu ou le néant). J'apprécie fortement le fait que tu précises bien que Dieu n'est pas démontrable scientifiquement. Je pense que c'est un préliminaire important à toute discussion sur le sujet. Comme je le précise dans mon article sur l'appel aux causes transcendantes, c'est une erreur de prendre prétexte d'un phénomène inexpliqué et apparemment inexplicable pour en inférer une cause transcendante. Il se peut aussi que ce phénomène n'ait pas de cause (n'est-ce pas d'ailleurs censé être le cas de Dieu ?) ou que sa cause soit bien naturelle mais non encore élucidée.

Je suis cependant un peu étonné par ce passage : "je réalisais avec éblouissement qu’en l’état actuel de la science, nier Dieu est devenu moins rationnel que croire en Lui".

J'espère que tu éclaireras notre lanterne à ce sujet. Je ne vois pas trop comment la science pourrait fournir une justification rationnelle à la foi, pas plus qu'elle ne peut d'ailleurs fournir une justification rationnelle à la "non-foi" (à part dans les zones marginales où le contenu de la foi a des conséquences empiriques testables scientifiquement), surtout si on est bien d'accord sur le fait qu'en appeler à des causes transcendantes face à ce que l'on n'arrive pas à comprendre n'est pas rationnellement légitime. J'espère donc que tu ne vas pas nous servir des "arguments par l'ignorance" du genre de ceux qui sont apportés, me semble-t-il, par l'Université Interdisciplinaire de Paris pour justifier une convergence entre la religion et la science.

Bref, j'attend la suite avec impatience :-)

Commentaire n°2 posté par Miky

J'ai oublié quelque chose d'important :

Hasard ou Dieu, néant ou vie avec Dieu. Tu sembles présenter les choses comme un choix binaire, laissant supposer que réfuter un des choix accréditerait nécessairement l'autre. Pourtant, il y a d'autres possibilités que le hasard ou Dieu. Par exemple la contingence, qui est à distinguer du hasard car elle n'est soumise à aucune loi, contrairement au hasard qui obéit aux statistiques. Ensuite, entre le néant et la vie avec Dieu, il existe tout un panel de possibilités : vie sans Dieu, réincarnation, fusion dans le tout, etc.

Réponse aux Commentaires n°1 et 2

Bonjour Miky,

Concernant le passage que tu cites de mon premier article, il n’est pas de moi, mais d’André Valenta qui a écrit un livre remarquable sur le scientisme, et dont la phrase que tu cites est la conclusion. J’y souscris totalement, et je dirai même que c’est la grande découverte que j’ai faite dans ma vie de foi : à savoir que la science et la foi ne s’opposent pas, mais se complètent admirablement, et se rejoignent en une SEULE et UNIQUE Vérité.

Tu estimes – et c’est ton droit le plus strict – qu’il n’existe "aucune justification rationnelle à la foi" ; j’entends précisément démontrer le contraire. Que Dieu ne soit pas démontrable scientifiquement, c’est entendu, mais il existe des raisons de croire, et ce sont ces raisons que nous étudierons attentivement ces prochains mois.

Je trouve que tu vas un peu vite en affirmant qu’"on est bien d’accord sur le fait qu’en appeler à des causes transcendantes face à ce que l’on n’arrive pas à comprendre n’est pas rationnellement légitime". Ton appréciation ne me paraît ni raisonnable ni "scientifique" en ce sens que la démarche scientifique consiste précisément à n’exclure aucune hypothèse a priori, et à remettre sans cesse en cause ses propres certitudes. Je trouve vraiment dommage que tu évacues si vite la question du "surnaturel" au nom d’une rationalité... décidément bien peu raisonnable ! 

Concernant tes remarques sur la différence entre le hasard et la contingence, elles ne me paraissent pas pertinentes, car ce n’est pas parce que le hasard peut faire l'objet d'études statistiques qu’il obéit à des lois. Il me paraît abusif de dire que le "hasard obéit aux statistiques". Le hasard, par définition, est aveugle, il n’obéit à aucune logique, aucune loi, et le fait que ses manifestations puissent être appréhendées de façon statistique n’y change rien. Autrement dit : ce ne sont pas les statistiques qui font le hasard, mais le hasard qui fait les statistiques. Dire que j’ai une chance sur 1 million de gagner au loto, c’est une probabilité mathématique, ça n’est pas une loi.

Enfin, le "panel de possibilités" autres que l’existence d’un Dieu personnel auquel tu fais référence ("vie sans Dieu, réincarnation, fusion dans le tout… ") montre bien que l’on ne saurait s’en tenir aux données de la science pour trancher la question de Dieu. Autant l’étude du monde créé peut me dire quelque chose de Dieu (de son existence, de sa puissance, de son intelligence…), comme l’étude du tableau de la Joconde peut me dire quelque chose de Léonard de Vinci ; autant cela est insuffisant pour m’indiquer qui est Dieu (de même que la Joconde ne me permet pas de connaître Léonard de Vinci au-delà de son génie créateur : son histoire, sa vie, ses pensées, etc…). Il nous faut pour cela le donné de la Révélation, et nous aurons à examiner en quoi nous pouvons faire confiance à la Bible et à la Tradition catholique pour nous éclairer sur Dieu, son identité, sa volonté (son projet d’Amour pour l’humanité) et son Salut offert en Jésus-Christ à tous les hommes.

Commentaire n°3 posté par Gérard

Bonjour et bravo pour ce blog.

L'alternative n'est-elle pas entre le théisme et le panthéisme ? Ou bien l'univers est Dieu, ou bien Dieu est transcendant au monde. L'Être ne peut sourdre du néant c'est une évidence, et l'esprit ne peut sourdre de la matière brute et désinformée, c'est une autre évidence. Platon introduit le Démiurge tant l'atomisme lui parait irrationnel, Aristote développe une vraie théorie de l'information.

Mais l'Être absolu (Dieu ou l'Univers-Dieu) peut-il se transformer? Je ne crois pas car l'immutabilité de l'Être absolu semble en être l'une des caractéristiques essentielles. Or l'univers se transforme ; donc, il ne peut être cet Être absolu. Le Théisme parait donc la théorie la plus rationnelle.

Commentaire n°4 posté par Anne-Sophie

Bonsoir. Ne trouvez vous pas qu'il y a un énorme décalage ? Par le passé, les hommes expliquaient tout en disant que c'était l'oeuvre de Dieu. Aujourd'hui tout passe par la science. Les scientifiques sont souvent athées.

Vous m'avez réconcilié avec la religion.

Commentaire n°5 posté par Tyler

Bonjour, j’ai lu ton article avec un grand intérêt.

Je ne suis pas trop d’accord avec le fait qu’il est plus raisonnable de croire que de ne pas croire (je trouve ça même limite insultant pour un athée et pas très impartial. Enfin bref…)

Sinon, juste une remarque : tu pars sur la croyance ou l’athéisme (croire ou ne pas croire : quel débat!). Mais il y a aussi l’agnosticisme et je trouve que tu devrais aussi développer cette idée.

Réponse au Commentaire n°5

Je compte sur toi Tyler pour parler sur ce blog de l'agnosticisme, tu es certainement plus calé que moi! Je suis heureux en tout cas d'accueillir tes commentaires et disposé à débattre avec toi dans un esprit pacifié (j'ai vu que le ton monte assez vite sur ton site. C'est dommage car on prend d'autant plus plaisir à parler qu'on demeure dans un climat serein et amical).

Je suis navré que tu vois dans certaines de mes affirmations une "insulte" pour les athées. Je n'ai pas l'impression que Miky, qui se présente comme tel, ait eu l'impression d'être insulté sur ce blog. Je pense respecter tout le monde et les commentaires de chacun sont les bienvenus.

Mais je ne crois pas que le respect implique de faire des concessions sur le fond. S'accepter les uns les autres, c'est assumer aussi la différence, même lorsqu'elle nous gêne. Si je devais mettre mon drapeau dans ma poche pour n’offenser personne, alors je ne me sentirais pas moi-même respecté dans ce qu'il y a de plus intime et de plus profond en moi : ma foi en Jésus-Christ et mon appartenance à l'Eglise catholique.

Tu comprendras donc que je ne cherche pas à être "impartial". C'est d'ailleurs tout l'intérêt des blogs, me semble-t-il, que de permettre à chacun de s'exprimer librement selon ses convictions, ses pensées et sa foi (ou sa non-foi), et d'entrer en dialogue avec les autres.

Commentaire n°6 posté par Miky

Tyler et Matthieu,

Effectivement, je ne me sens aucunement insulté par les propos tenus sur ce blog. Je suis prêt à discuter avec n'importe qui défendant n'importe quelle idée (aussi saugrenue me paraisse-t-elle), du moment que cette personne respecte les règles d'un débat argumenté, convivial et tolérant, et n'ait pas peur de remettre ses idées en question.

Réponse à l’article de Miky sur l’appel aux causes transcendantes (publié sur son blog)

Cher Miky,

Je viens de prendre connaissance de cet article auquel tu m’as renvoyé sur l’appel aux causes transcendantes. Voici les réactions qu’il m’inspire :

1°) Je trouve que tu vas un peu vite en besogne lorsque tu écris qu’"on a démontré qu’il existe au moins un phénomène sans cause". On a démontré? Voire… Ta démonstration tient en ces mots : "Tout (…) n’a pas de cause. Sinon cette cause serait quelque chose extérieur à Tout, et Tout ne serait pas tout". C’est vrai. Cela, tout le monde peut le comprendre. Mais qu’est-ce qui te dit que le Tout que tu définis comme "l’espace-temps considéré dans sa globalité" soit vraiment… tout? Et s’il existait un Tout bien plus grand que le Tout que tu définis comme le monde, dans sa matérialité ? Bref : et si Dieu existait ? Tu pars du postulat qu’il n’existe pas, et c’est ton droit le plus strict, mais il ne s’agit que d’un postulat, nullement le fruit d’une démonstration.

2°) Je ne suis pas d’accord avec toi lorsque tu définis la cause transcendante comme "une cause située dans un aspect du réel inaccessible (…) à notre investigation (…), donc une cause que l’on ne peut identifier et étudier, une cause inobservable, avec laquelle on ne peut pas interagir, une cause que l’on ne peut pas expérimenter". Personnellement, je ne pourrais être croyant si je ne faisais quotidiennement l’expérience de la présence de Dieu dans ma vie. Un lever de soleil, les premières senteurs de printemps, le gazouillis des oiseaux, et c’est le Créateur qui parle à mes sens. Un temps de prière dans le silence, la lecture de l’Evangile du jour avant d’aller travailler, et c’est Dieu qui parle à mon cœur. Une rencontre, un sourire, le secours que je peux apporter ou recevoir d’un collègue de travail, et c’est mon Dieu qui me provoque à la relation, à l’amour, et à la communion.

Interroge de jeunes convertis. Ce qui me frappe chez eux, c’est qu’à travers la très grande variété de leurs histoires respectives et la particularité de chacun de leur parcours, il existe une constante que l’on retrouve systématiquement : ils parleront toujours d’une rencontre avec le Seigneur, d’une expérience de Dieu, de son Amour, suffisamment puissante pour que toute leur vie en ait été bouleversée… Je pense que ça vaut la peine de les écouter, d’autant que certains viennent de l’athéisme et que la conversion d’une personne reste toujours un mystère.

Cela dit, au-delà de ces expériences subjectives, il y a le fait objectif, historique, empirique de la Révélation. Dieu a fait irruption dans notre histoire en y laissant des traces que notre intelligence peut analyser et reconnaître comme venant authentiquement de Dieu. La Cause transcendante de l’Univers n’est pas lointaine et inaccessible ; elle s’est faite proche de nous – elle s’est faite homme, en Jésus-Christ.

3°) Tu évoques l’existence d’une "infinité de causes transcendantes possibles" pour déclarer qu’il est "préférable" de se réfugier derrière la théorie de l’absence de cause, qui a effectivement pour principal avantage d’avoir à éviter de prendre partie pour l'une ou l'autre des "causes transcendantes possibles". Mais la résolution de cette question de l’identité exacte de la Cause transcendante de l’Univers s’inscrit dans une seconde étape de notre réflexion sur l’existence de Dieu, qui nous conduira à l'étude de la Révélation divine. Car je le redis : les chrétiens croient en un Dieu qui parle et se révèle, en un Dieu qui agit et se manifeste.

En quoi la révélation chrétienne est-elle suffisamment convaincante pour nous donner à penser et à croire que le Dieu créateur de ce monde et de chacun de nous (de toi, de moi) est le Dieu révélé par Jésus-Christ, le Père de toutes miséricordes dont parle la Bible, qui a un projet de salut, de paix, de vie et d’amour pour toute l'humanité ? Voilà une question que tu devrais examiner de près…

4°) J’ai apprécié que tu ajoutes à la fin de ton article que par delà les avancées de la science, Dieu "Lui, demeure, comme hypothèse métaphysique possible." Si Dieu est une hypothèse métaphysique possible, pourquoi l’exclus-tu a priori?

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