mardi 29 janvier 2019

La Terre : une planète spécialement configurée pour donner la vie - Dialogue avec les lecteurs

Suite à la publication de mon article sur la Terre, notre ami Miky réagit.

Commentaire n°1 posté par Miky

Cher Matthieu,

Comme tu peux t'en douter, on ne va pas être d'accord ! Je n'ai pas trop le temps de développer ma pensée, donc je vais juste lancer quelques idées que je pourrais approfondir si tu le souhaites.

En gros, tu nous suggères de contempler la beauté de l'univers et que cette beauté serait un argument favorable à l'existence de Dieu. Toutefois, la beauté est une notion relative. Peut-être qu'une civilisation extraterrestre ne trouverait pas belles les mêmes choses que nous.

Le fait que nous trouvions beaucoup de choses belles doit être balancé par le fait que nous en trouvons aussi beaucoup qui ne sont pas belles voire qui sont carrément moches : champignons nucléaires, pourrissement, maladies, purulence, violence, malformations, amputations, décrépitude, etc. Si la beauté doit être un argument en faveur de l'existence de Dieu, alors l'absence de beauté et la mocheté doivent être, en toute logique, des arguments en défaveur de l'existence de Dieu. 

Le fait que nous trouvions beaucoup de choses belles peut être expliqué autrement : par un mécanisme néodarwinien de sélection naturelle des mutations avantageuses pour la survie et la reproduction. Prenons deux individus : un trouve qu'il vit dans un environnement formidable, beau, stimulant, l'autre trouve qu'il vit dans un environnement horrible, moche, ennuyant. Lequel, selon toi, aura le plus de chance de survivre et de se reproduire ?

Même si nous n'avions aucune explication de la beauté que nous percevons dans le monde, cela ne nous autoriserait pas logiquement à en inférer l'existence d'un Créateur. Cela voudrait juste dire que nous ne savons pas tout, et ça, nous le savons déjà ! Celui qui, ne supportant pas son ignorance, s'invente un "Dieu des trous" ne fait que couvrir son ignorance d'un peu de dignité, mais ne résout fondamentalement rien. Pour rendre compte de quelque chose de mystérieux, il pose une hypothèse encore plus mystérieuse : d'où vient Dieu ? Pourquoi a-t-il créé le monde ? Pourquoi l'a-t-il créé ainsi qu'il l’a créé ? Si on pousse ta logique jusqu'au bout, le fait même que Dieu ait eu l'intention, le projet, de créer un monde beau devrait nous interroger et nous faire admettre l'existence d'un Méta-Dieu qui a créé cette intention, ce projet, en Dieu, et ainsi de suite... La régression à l'infini n'est pas évitée.  

Enfin, je n'ai rien contre le fait que l'on croit en Dieu, mais je pense qu'il faut être vigilant quant aux motifs que l'on se donne d'y croire. Si ton but, à travers cette série d'articles, est de démontrer rationnellement et/ou empiriquement seulement, l'existence (probable) de Dieu, ton entreprise est vouée à l'échec, car les exigences de la rationalité et de l'empirie ne sont pas respectés, et pour cause : une explication scientifique doit relier logiquement des faits empiriques objectifs. Dieu est peut-être logique, mais il n'est certainement pas entièrement observable objectivement. J'enfonce le clou : si Dieu était une hypothèse scientifique valable, il ne serait pas Dieu, car il existerait au même titre que les êtres humains, les animaux, les plantes, les minéraux, les artéfacts, etc. A mon avis, toute approche possible de Dieu se doit de déborder le cadre de la science voire de s'en détacher. Mais il faut définir un nouveau cadre de référence, un nouveau paradigme si tu préfères, avant de pouvoir approcher Dieu, à l'intérieur de ce paradigme. Et ce paradigme doit s'efforcer, à mon avis, de reposer sur le sens commun ou la science, pour qu'il soit convainquant pour tous.

Note bien que je ne me contredis pas en disant d'une part : Dieu ne peut être scientifiquement prouvé, et d'autre part un paradigme à l'intérieur duquel Dieu peut être prouvé devrait s'efforcer de reposer sur le sens commun et la science. Ce sont deux idées différentes.

Commentaire n°2 posté par RV

Miky a dit : "Dieu est peut-être logique, mais il n'est certainement pas entièrement observable objectivement."

Erreur : il est observable sous la forme d'un mystère : celui de l'eucharistie.

Amitiés !

PS. Et encore bravo à Matthieu pour la très grande qualité de ses écrits. Je pense que son blog va faire énormément de bien !

Commentaire n°3 posté par Miky

@RV : A supposer même qu'il y ait quelque chose d'inattendu qui se produise dans l'hostie lorsqu'elle est consacrée, rien n'indiquerait que ce serait Dieu le responsable. Ce serait une hypothèse, mais d'ordre métaphysique car invérifiable. Scientifiquement, on serait juste en face d'un phénomène bizarre, que l'on n'arriverait pas à expliquer (du moins pour le moment).

@Matthieu : Je note bien que dans ton introduction tu dis : "Nous allons voir que si l’on ne peut pas prouver scientifiquement (au sens moderne du mot) que Dieu existe, on peut démontrer aisément, je le pense, qu’il est raisonnable de croire, et même davantage : qu’il est plus raisonnable de croire que de ne pas croire."

Raisonnable sonne en moi comme relatif à la raison, à la rationalité. Si un comportement rationnel (une croyance par exemple) est un comportement qui nous aide à vivre, alors d'accord, il est raisonnable de croire en Dieu car cela met de l'espérance dans notre vie, c'est donc utile en pratique que Dieu existe ou non.

Mais si tu dis qu'il est raisonnable de croire parce que l'objet de cette croyance (et non pas l'attitude de croire) disposerait lui-même d'appuis rationnels, alors je pense qu'il y a peut-être un problème.

Il faudrait que tu définisses dans quel type de rationalité tu te places. Du point de vue de la rationalité scientifique, et même de la rationalité pré-scientifique de l'observation directe avec les sens de la nature, il n'y a pas lieu de croire en Dieu. Du point de vue de la pure logique, il n'y a pas lieu de croire en Dieu non plus. J'ai l'impression que tu es d'accord que la science ou la logique ne peuvent prouver Dieu mais que tu penses que l'observation simple, empirique, du sens commun, pourrait prouver Dieu. Seulement ce que la science étudie, c'est d'abord ce que le sens commun nous révèle. Et le sens commun ne nous montre pas Dieu. En argumentant sur la beauté pour prouver Dieu, quel est ton but ? Si tu veux "poétiquement persuader" l'impie en évoquant en lui des sentiments mystiques, vas-y de bon coeur, mais si tu veux montrer que la beauté (toute relative et partielle) du monde ne peut pas s'expliquer autrement que par Dieu, alors tu n'y arriveras pas. Moi aussi, en contemplant un coucher de Soleil, je suis ému. On peut éprouver des sentiments "religieux" en étant athée. Mais il faut distinguer sentiments religieux et croyances religieuses. Passer des premiers aux seconds ne me paraît pas forcément raisonnable.

Réponse au Commentaire n°1
Réponse au Commentaire n°3

Cher Miky, tu dis : "Il faudrait que tu définisses dans quel type de rationalité tu te places." Eh bien, je vais te répondre en citant un passage de ton Commentaire n°1 plus haut : "il faut définir un nouveau cadre de référence, un nouveau paradigme si tu préfères, avant de pouvoir approcher Dieu, à l'intérieur de ce paradigme. Et ce paradigme doit s'efforcer, à mon avis, de reposer sur le sens commun ou la science, pour qu'il soit convainquant pour tous."

Ce paradigme – ou cadre de référence – à l’intérieur duquel je me situe, c’est ce qu’on appelle communément, d’un gros mot, la métaphysique, qui ne consiste pas en des élucubrations vaseuses,  absconses et arbitraires sans aucun fondement dans l'expérience – comme tu sembles le sous-entendre en écrivant que ce qui est "d’ordre métaphysique" est "invérifiable" –, mais qui est une véritable discipline de pensée posant des conclusions certaines à partir de prémisses indiscutables – en l'occurrence : le fait de la réalité objective explorée scientifiquement –, cela au moyen d'un raisonnement logique correct – c'est-à-dire : expurgé de tout paralogisme ou préjugé. Sous ce rapport, la métaphysique est une science, qui prolonge la méthode de raisonnement fondée sur l’expérience sensible – laquelle a fait ses preuves dans le domaine des sciences positives – pour atteindre le réel dans ce qu’il a d’inaccessible à nos instruments d’observation et de calcul.

Autrement dit : c'est la science et la logique articulés ensemble qui conduisent à l'existence de Dieu. Ce qui fait la vérité des propositions métaphysiques est cela même qui fait la vérité des propositions scientifiques, à savoir : l’expérience et le raisonnement. La métaphysique véritable s’efforce "de reposer sur le sens commun ou la science pour [être] convainquant pour tous".

Dès lors : si Dieu ne peut être prouvé scientifiquement, c'est entendu – puisqu’il n’est pas un objet de ce monde –, la métaphysique est précisément le "paradigme à l'intérieur duquel Dieu peut être prouvé" dans la mesure où elle repose "sur le sens commun et la science." Ce ne sont pas là deux idées contradictoires. "Ce sont deux idées différentes."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire