dimanche 17 mars 2019

La science : alliée de l'athéisme? - Dialogue avec un lecteur

Suite à la publication du post "La science : alliée de l'athéisme?", notre ami Miky - décidément pugnace :) - réagit.

Commentaire n°1 posté par Miky

Cher Matthieu,

En ayant une lecture aussi sélective de la science, je ne m'étonne pas trop que tu y trouves des raisons de croire en Dieu !

Denton est loin d'être représentatif de la communauté scientifique et ses idées sont très contestées par la plupart de ses pairs. Ce n'est pas tant l'originalité de ses théories qui sont en cause que le fait de vouloir plus ou moins les faire passer pour scientifiques, alors qu'elles ne font qu'exploiter les mêmes argumentations par l'ignorance et abductions illégitimes invérifiables que je t'ai déjà signalées plusieurs fois...

Lui, ainsi que quelques autres (Behe, Drambicourt-Malassé, Lambert, Pelt, etc. dont la plupart sont regroupés, en France, dans une association : l'Université Interdisciplinaire de Paris) se sont spécialisés dans le fait de faire passer de la métaphysique spéculative pour le résultat d'un travail scientifique ou rationnel, ou plutôt de jouer sur le flou artistique et l'ambiguïté entre ces deux domaines.

Si c'est ce genre de travaux que tu qualifies d'avancées scientifiques contemporaines peu connues par le péquin moyen qui en serait resté à une mentalité scientiste très XIXème siècle... eh bien désolé de te décevoir, mais je crains fort que ce ne soit que de la poudre aux yeux...

Déjà, les soi-disant "scientistes très XIXème siècle" sont bien au courant de l'existence de ce mouvement de pensée, et l'ont décortiqué de long en large.

Bien sûr, un non spécialiste peut être leurré, car le discours a l'odeur de la science, le goût de la science, la couleur de la science, sans être de la science !

Et comme ces mesdames et messieurs surfent sur une vague très porteuse (l'espoir d'une improbable convergence entre la science et la religion nourrit bien des fantasmes...), ils sont surmédiatisés par rapport à leur contradicteurs. Mais ne te méprends pas : leur discours n'a de scientifique que le nom !

Réponse au Commentaire n°1

Ah Miky… Toujours ce vieux réflexe "néo-scientiste"… Les arguments de Michaël Denton ne seraient pas recevables parce qu’ils ne seraient pas "scientifiques"…


N’y a-t-il pas contradiction à affirmer d’une part, comme tu le fais (et avec juste raison), que la science est incapable, par essence, de démontrer l’existence de Dieu, celui-ci n’étant pas "localisable" à la manière des objets de ce monde, et d’autre part de faire usage précisément des méthodes d’analyse et d’étude scientifiques pour démontrer "l’inanité" des arguments des partisans de la théologie naturelle ?

Concernant le livre de Michael Denton, je reprendrais mot pour mot ce que tu écris sur ton blog au sujet des auteurs que tu cites à son encontre : "Précisons que je ne suis pas forcément entièrement d'accord à 100% avec tout ce qui est dit dans ces pages, mais globalement, je pense que les réflexions proposées sont pertinentes et devraient être méditées par tous les défenseurs de la théologie naturelle."

Théologie qui n’a aucune prétention "scientifique" au sens moderne du mot, même si, de fait, elle raisonne à partir des données de la science en vue d’asseoir la démarche de foi sur la raison. Cette réflexion théologique a toute sa raison d’être au regard des insuffisances mêmes de la démarche scientifique : je te renvoie ici une nouvelle fois à mon article écrit à ce sujet.

Je suis donc d’accord avec toi Miky pour dire que les arguments de Michael Denton en faveur de la téléologie ne sont pas pertinents sur le plan scientifique - puisqu’ils excèdent les limites mêmes d’une science résolument étrangère aux questions de la finalité et du sens. Mais ils sont, me semble-t-il, parfaitement recevables dans le cadre d’une métaphysique réaliste qui s’efforce de penser le réel jusqu’au bout, et d’une théologie naturelle qui a pour objet de déceler les traces de la Sagesse divine dans l’œuvre même de la Création.

Commentaire n°2 posté par Miky

Cher Matthieu,

Toujours ce réflexe de qualifier de "néo-scientiste" tout scientifique qui veut appeler un chat "un chat" ? :-)

Michaël Denton a bien le droit de faire de la spéculation métaphysique si ça lui chante (qui vaudra autant que la spéculation métaphysique inverse). Ce n'est pas cela que je conteste. Ce que je conteste, c'est qu'il fasse passer cette spéculation métaphysique comme en quelque sorte l'aboutissement logique de travaux scientifiques/rationnels. Il n'y a pas, contrairement à ce que tu penses, lieu de faire intervenir des causes transcendantes sous seul prétexte que la science a des limites que tout le monde (ou presque) admet d'ailleurs bien volontiers.

Tu dis : "Mais encore une fois Miky : qu’est-ce qui te dis que la démarche scientifique soit la seule valable pour réfléchir sur la question de l’existence de Dieu ?"

Je ne dis pas que c'est forcément la seule démarche valable pour réfléchir à la question de Dieu puisque je dis même que ce n'est pas une démarche valable pour réfléchir à la question de Dieu, et que si on veut quand même faire un peu de métaphysique en extrapolant la démarche scientifique, on trouve autant de raisons de croire en Dieu (beauté, harmonie, ordre, etc.) que de ne pas y croire (horreurs, souffrance, chaos, etc.) . Mais le gros problème avec la métaphysique (qu'elle soit ou non d'inspiration scientifique), c'est surtout qu'elle se présente comme une sorte d'alternative rationnelle à la rationalité scientifique, alors qu'elle ne propose pas de critères pour tester ses affirmations. Pour moi, c'est surtout un jeu de l'imagination, qui n'est pas, certes, dénué d'intérêt, mais qui me semble difficilement en mesure de parler du monde. L'article que j'évoque sur l'inefficacité de la prière intercessoire n'est pas une preuve de l'inexistence de Dieu, juste une raison scientifique de ne pas y croire. Mais on pourrait très bien contester cette raison avec moult arguments. De même, tes raisons de croire en Dieu basées sur la science peuvent être contestées par moult arguments.

Je pense que ton dernier paragraphe décrit bien l'essence véritable de ta démarche et de quelle manière seulement elle peut prendre du sens : "Je suis donc d’accord avec toi Miky pour dire que les arguments de Michael Denton ne sont pas pertinents sur le plan scientifique - puisqu’ils excèdent les limites mêmes d’une science résolument étrangère aux questions de la finalité et du sens. Mais ils sont, me semble-t-il, parfaitement recevables dans le cadre d’une métaphysique réaliste qui s’efforce de penser le réel objectif jusqu’au bout, et d’une théologie naturelle qui a pour objet de déceler les traces de la Sagesse divine dans l’œuvre même de la Création." Autrement dit, la théologie naturelle, telle que tu la définis tout au moins, part du principe que Dieu existe, puis cherche dans la nature ce qui pourrait confirmer cette idée. Malheureusement, en procédant de la sorte, tu ne pourras "convaincre" que des gens déjà croyants (en fait tu ne les convaincras pas vraiment du coup, puisqu'ils seront déjà convaincus).

Si on part du présupposé inverse : Dieu n'existe pas, et que l'on cherche dans la nature ce qui pourrait confirmer cette idée, on fait la même erreur dans l'autre sens.

Et si on ne part d'aucun présupposé ? Eh bien on reste dans le doute. Il y a autant ou aussi peu de raisons de croire en un Dieu que de croire qu'il n'existe pas.

Je te rappelle que ma position se veut neutre : je ne crois pas en Dieu, mais cela n'implique pas que je crois en son inexistence. Je ne crois pas en Dieu pour la même raison que je ne crois pas en la licorne rose invisible. Mais en toute rigueur : je ne sais pas.

Tu dis aussi : "N’y a-t-il pas contradiction à affirmer d’une part, comme tu le fais (et avec juste raison), que la science est incapable, par essence, de démontrer l’existence de Dieu, celui-ci n’étant pas "localisable" à la manière des objets de ce monde, et d’autre part de faire usage précisément des méthodes d’analyse et d’étude scientifiques pour démontrer "l’inanité" des arguments des partisans de la théologie naturelle ?" Non, car c'est Dieu qui est inaccessible à la science, pas les arguments de la théologie naturelle.

Commentaire n°3 posté par Miky

Cher Matthieu,

Je viens de reparcourir tes articles.

Si ton but avait seulement été de montrer qu'il est aussi rationnel de croire que Dieu existe que de croire qu'il n'existe pas, j'aurais été d'accord. Cependant, tu dis : "Quel ne fut pas mon éblouissement de découvrir qu’en l’état actuel de la science, nier Dieu est devenu moins rationnel que croire en Lui."

"Nous allons voir que si l’on ne peut pas prouver scientifiquement (au sens moderne du mot) que Dieu existe, on peut démontrer aisément, je le pense, qu’il est raisonnable de croire, et même davantage : qu’il est plus raisonnable de croire que de ne pas croire."

Si je me base sur ces quelques passages, il en ressort clairement que pour toi, il est, non pas aussi rationnel de croire que Dieu existe que de croire qu'il n'existe pas, mais plus rationnel de croire que Dieu existe que de croire qu'il n'existe pas.

C'est cela, et cela seulement que je conteste.

Du moins les arguments que tu donnes ne permettent pas de conclure qu'il est plus rationnel de croire que Dieu existe que de croire qu'il n'existe pas.

Je ne dis pas que des arguments en ce sens n'existent pas, mais ils ne sont pas là où tu les cherches.

La science (désolé de reparler de la science, mais c'est quand même toi qui dis qu'on y trouve des raisons de croire) ne fournit pas ces arguments, que ce soit dans son activité intrinsèque ou dans ses présupposés ontologiques.

Réponse au Commentaire n°3

Cher Miky,

Le but que je poursuis, en écrivant cette série d’articles sur la question de l'existence de Dieu est de démontrer qu’il existe des raisons de croire, et même - et c’est peut-être l’aspect le plus audacieux de mon propos, j’en conviens - qu’il est plus raisonnable de croire que de ne pas croire.

N’en sois pas offensé, Miky, car mon intention n’est d’être blessant envers quiconque. Mais ce blog est le lieu de libre expression de ma propre pensée, et ce que j’ai affirmé jusqu’alors, j’en suis intimement convaincu. Je ne peux donc le taire.

Je voudrais convaincre mes lecteurs que le croyant peut trouver dans les données de la science un appui sûr pour sa foi ; qu’il n’y pas de contradiction entre les enseignements de la science et la Révélation chrétienne, comme a pu le prétendre une certaine pensée à une certaine époque - et ainsi que ce préjugé demeure encore à l’état latent de nos jours dans de nombreux esprits.

Tu rejettes l’appellation de "scientiste" te concernant, et j’en prends acte. Mais lorsque tu écris que "le gros problème avec la métaphysique (qu'elle soit ou non d'inspiration scientifique), c'est surtout qu'elle se présente comme une sorte d'alternative rationnelle à la rationalité scientifique, alors qu'elle ne propose pas de critères pour tester ses affirmations", cela me fait bigrement penser à ce que disait Louis Pasteur dans son discours de réception à l’Académie française le 27 avril 1882, au sujet d’Auguste Comte, l’un des pontes du scientisme : "Le principe fondamental d’Auguste Comte [de Miky ?...] est d’écarter toute recherche métaphysique sur les causes premières et finales, de ramener toutes les idées et toutes les théories à des faits et de n’attribuer le caractère de certitude qu’aux démonstrations de l’expérience".

J’entends démontrer ici que les athées, qui passent pour plus "raisonnables" que les croyants en ce qu’ils affirment ne croire qu’en ce qu’ils voient et mesurent avec leur sens, ne peuvent en réalité rejeter l’existence de Dieu qu’en vertu d’une croyance qui est du même ordre que la croyance religieuse (je ne parle pas ici de la "foi"), ainsi d’ailleurs que tu le reconnais toi-même : "Je ne crois pas en Dieu pour la même raison que je ne crois pas en la licorne rose invisible. Mais en toute rigueur : je ne sais pas." Et j’aurai l’occasion d’expliquer pourquoi je pense que cette "croyance" athée est finalement, à y regarder de plus près, et en dernière analyse, infiniment moins raisonnable que la croyance religieuse.

J’ose affirmer qu’il est en tous les cas extrêmement audacieux et pour le moins imprudent de prétendre (ce qui n’est pas ton cas, Miky, j’en prends acte également) que la science ne peut fournir aucun argument en faveur de l’existence de Dieu, et de déclarer "hérétiques" le raisonnement téléologique et la théologie naturelle (je vise ici principalement les détracteurs de Michael Denton qui s’opposent en réalité à toute tentative de légitimer la foi en un Dieu créateur au moyens d’arguments métaphysiques tirés de l’observation scientifique de l’Univers).

Tu dis enfin : "les arguments que tu donnes ne permettent pas de conclure qu'il est plus rationnel de croire que Dieu existe que de croire qu'il n'existe pas." Eh bien... c'est magnifique! 😊 Cela augure des échanges passionnants entre nous. Parce que nous sommes sur deux lignes frontalement opposées. Cela dit, je t'annonce que je n'ai fait qu'effleurer le sujet pour le moment. Je n'ai pas encore développé toute ma pensée ni tous mes arguments. Et j'en ai encore sous le pied! 😃 Ce que nous avons commencé à envisager jusque là ne constitue qu’une première approche. Cela n’épuise pas le sujet, loin s’en faut. Le meilleur reste à venir...

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