Suite du débat avec les lecteurs du blog Totus Tuus consécutif à la publication de la citation d'Albert Vandel sur Ce que nous enseignent les sciences de la nature".
Commentaire n°15 posté par le Pasteur Eric
Je suis désolé Matthieu, mais je ne peux pas vous laisser dire que le libéralisme théologique et le refus d'une foi dogmatique et prétendument (le terme n'est pas à prendre de façon péjorative) rationnelle nourrissent l'athéisme. Et ce pour trois raisons :
Historique d'abord : A l'époque du géocentrisme, la terre au centre de l'univers montrait bien qu'il était raisonnable de croire en Dieu qui avait ainsi mit le joyau de sa création au centre. Il était impensable qu'on puisse prouver le contraire et pourtant... A l'époque du fixisme, la perfection de la nature où chaque chose avait sa place depuis la nuit des temps montrait bien qu'il était raisonnable de croire en Dieu qui avait fait une création parfaite. Il était impensable qu'on puisse prouver le contraire et pourtant... Aujourd'hui dites-vous, la tendance de l'évolution vers la perfection de l'homme montre bien qu'il est raisonnable de croire en Dieu qui a fait de l’homme le sommet de sa création. Il vous parait impensable qu'on puisse prouver le contraire et pourtant les faits sur lesquels reposent certains scientifiques pour dire que l'évolution semble se faire à tâton, à coup d'extinction de masse et d'impasse évolutive me paraissent assez convaincants. Je ne reviens pas sur ce débat mais il me paraît quand même évident que ce qui a le plus nourrit l'athéisme, c'est l'affirmation de preuves (ou de signes forts) de l'existence de Dieu qui se sont avérées fausses (et le refus des religieux d’admettre leurs erreurs).
Philosophique ensuite : je suis navré mais pour le croyant que je suis, les arguments de Miky et d'autres philosophes athées me paraissent meilleurs que les vôtres. Donc, si ma foi me venait de ma raison, je serais athée. Fort heureusement, Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages (1 Corinthiens 1, 27 – et je vous invite à relire tout le développement de Paul sur la folie de la croix).
Personnelle enfin : Vous avez vu que d'après mon parcours, si je n'avais pas trouvé une Eglise qui me permette de découvrir que Dieu était bien plus que les images qu'on m'en avait donné au catéchisme ; si ma lecture de la Bible ne m'avait pas montré un Dieu toujours inattendu et surprenant et très différent de celui qu'attaquent les athées anti-religieux, il est très probable que je serais athée ou agnostique, ou vaguement déiste. J'ai un certain nombre de paroissiens et de collègues qui sont dans le même cas (issus d'Eglises plus dogmatiques que la nôtre).
Attention, je ne dis pas cela pour affirmer la supériorité de l'Eglise réformée mais plutôt pour souligner l'importance de l'existence de différentes Eglises (je sais aussi que des gens issus du protestantisme réformé ont découvert que le protestantisme évangélique ou le catholicisme romain leur parlait davantage du Dieu sauveur).
Bref, je suis vraiment ravi de discuter avec vous, de découvrir une pensée et une expression de foi qui est à la fois à des lieues de la mienne et à la fois très proche. Je vous remercie de votre franchise et de vos critiques, mais de grâce, essayons d'éviter les accusations faciles (sans doute ne suis-je pas exempt de tous reproches sur ce point non plus...).
Réponse au Commentaire n° 15
Cher Pasteur,
Je voudrais revenir sur votre réflexion concernant la folie de la Croix.
"Si ma foi me venait de ma raison, je serais athée, fort heureusement Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages (1 corinthiens 1, 27)"
1°) Il me semble que vous confondez là la proclamation de l’Evangile avec la question métaphysique de l’existence de Dieu qui n’est pas un article de foi, mais un préambule à la foi.
C’est ce qu’écrivait Thomas d’Aquin dans sa Somme Théologique : "l’existence de Dieu et les autres vérités sur Dieu qui peuvent être connues par la raison naturelle ne sont pas des articles de foi, mais des préambules à ces articles. En effet, la foi présuppose la connaissance naturelle, comme la grâce présuppose la nature (…).Toutefois, rien n’empêche que ce qui, de soi, est objet de démonstration et de science, ne soit reçu comme objet de foi par celui qui ne peut saisir la démonstration".
Voltaire – qui n’était pas "catholique romain" – sera dans la même ligne sur ce point : "On peut trouver, par le seul raisonnement, des preuves de la création. Or, en voyant que la matière n’existe pas par elle-même et n’a pas le mouvement par elle-même, etc., on parvient à connaître qu’elle doit être nécessairement créée."
2°) Ce texte sur la folie de la Croix n’abroge pas les autres textes sur la Sagesse de Dieu ! Il y a même un passage plus haut dans le texte que vous citez que je me permets fraternellement de vous rappeler, le verset 21 : "Puisque le monde, avec toute sa sagesse, n’a pas su reconnaître les œuvres de la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par cette folie qu’est la proclamation de l’Evangile".
Ainsi donc, la Croix est folie pour les hommes qui ne savent plus aimer, comme la doctrine de la Création est folie pour les hommes qui ne savent plus penser.
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