vendredi 1 mars 2019

D'où vient qu'il y ait du beau dans l'univers? - Dialogue avec un lecteur

Suite à mon article-réponse "D'où vient qu'il y ait du beau dans l'univers?", mon interlocuteur Miky me répond.

Commentaire n°1 posté par Miky

Cher Matthieu,

Au fond, je crois que nous ne nous étions pas compris concernant ta démarche. Ton article est donc éclairant car il permet de préciser cette dernière.

Je crois aussi que notre différence principale réside en ceci : je ne crois pas que l'Être absolu soit un être. Il me semble que le penser, cela revient à commettre une erreur de catégorie : l'étalon qui sert à mesurer ne peut pas en même temps être un objet que l'on mesure...

Réponse au Commentaire n°1

Cher Miky,

Il ne s’agit pas de "mesurer" l’être, mais de constater son existence, tout simplement. L’Être absolu est nécessairement un être, car par définition, il est seul… et il EST.

Commentaire n°2 posté par Miky

Comme le Bleu absolu n'est pas nécessairement un objet bleu en particulier, l'Amour absolu n'est pas nécessairement quelqu'un qui aime. De même, l'Être absolu n'est pas nécessairement un être. Quant à mon discours sur la mesure, tu l'as hélas pris au sens propre, alors qu'il s'agissait d'une analogie pour te faire comprendre ma pensée...

Réponse au Commentaire n°2

"L'Amour absolu n'est pas nécessairement quelqu'un qui aime." Mais son existence implique nécessairement Quelqu’un qui aime. Car il n’est pas d’Amour absolu sans Quelqu’un qui aime. L’Amour absolu est donc indissociablement lié à l’être de Celui qui aime, sans lequel il n’existerait pas.

Mais si l’Amour absolu est tout en entier relatif à Celui qui aime, autant dire alors qu’il n’est pas… absolu, ou qu’il n’est absolu que dans la mesure où il est l’Amour de l’Être absolu ! Il s’identifie donc à Celui qui aime – ce que confirme la Révélation divine lorsqu’elle nous dit que "Dieu EST Amour " (1 Jn 4. 8).

Commentaire n°3 posté par Miky

"Mais son existence implique nécessairement Quelqu’un qui aime. Car il n’est pas d’Amour sans Quelqu’un qui aime. L’Amour absolu est donc indissociablement lié à l’être de Celui qui aime, sans lequel il n’existerait pas."
Mais l'Amour absolu, le Bleu absolu, l'Être absolu, n'existent pas, justement. Ils n'existent pas au sens où tel être aimant existe, telle chaise bleue existe, tel être particulier existe. Quand je dis d'une chose qu'elle existe (au sens de l'existence censée être donnée par Dieu), je veux dire par là qu'elle est située dans l'espace-temps-matière. Dieu est censé, d'après les chrétiens, faire en sorte que parmi toutes les essences possibles, certaines existent. Parmi tous les univers possibles, notre univers existe, et cela est dû, d'après les chrétiens, à l'acte créateur de Dieu. Dieu ne créé pas les essences elles-mêmes, puisqu'il EST ces essences (par exemple, Il EST l'Amour). Or, tout ce qui est consubstantiel à Dieu ne peut pas être créé par Dieu.

"Mais si l’Amour absolu est tout en entier relatif à Celui qui aime, autant dire alors qu’il n’est pas… absolu, ou qu’il n’est absolu que dans la mesure où il est l’Amour de l’Être absolu ! Il s’identifie donc à Celui qui aime – ce que confirme la Révélation divine lorsqu’elle nous dit que "Dieu EST Amour" (1 Jn 4. 8)."
Exact. Mais si l'Amour est quelque chose que Dieu EST, alors il ne peut pas être en même temps quelque chose que Dieu A. On ne peut pas se posséder soi-même !

Par ailleurs, un point intéressant à noter : l'Amour est une abstraction, un universel. Si Dieu EST Amour (ce que je pense, enfin je préfère dire l'Être ou l'Absolu que ce mot de Dieu qui fait penser à un "super-bonhomme avec des super-pouvoirs"), Dieu est donc également une abstraction, un universel.

Si tu es d'accord avec cela : Dieu/l'Absolu/l'Être est une abstraction, un universel, et "existe" (avec des guillemets) en tant qu'abstraction, universel, et non pas en tant que particulier tel un dieu gréco-romain, alors on est d'accord sur pas mal de choses finalement.

Réponse au Commentaire n°3

"Mais l'Amour absolu, le Bleu absolu, l'Être absolu, n'existent pas, justement. Ils n'existent pas au sens où tel être aimant existe, telle chaise bleue existe, tel être particulier existe."
Je ne crois pas que l’on puisse tout mettre sur le même plan : le bleu absolu n’existe pas en tant que tel, OK. Mais l’Amour absolu, lui, existe possiblement (à une double condition : que l’Être absolu existe et qu’il soit aimant). Quant à l’Être absolu, il existe nécessairement (cela, la raison humaine peut le savoir certainement) ; tout simplement parce que si l’Être absolu n’existait pas, aucun être n’existerait : il n’y aurait ni êtres aimants, ni chaises bleues, ni êtres particuliers… Rien. L’essence des êtres ne pouvant provenir du néant, elle ne peut s'originer que dans un être premier (et réellement existant) qui n'est pas l’univers (puisque l’univers n’est pas éternel – donc pas absolu) ; qui est autre que l’univers, qui le transcende. 

"Quand je dis d'une chose qu'elle existe (...), je veux dire par là qu'elle est située dans l'espace-temps-matière."
Mais c’est bien là le problème Miky. Tu pars du principe que l’Univers en son espace-temps-matière est le seul être existant – que tout le réel existant est englobé dans cet espace-temps-matière. Mais c’est là un préjugé que rien ne justifie dans la réalité positive. L’univers ne possède pas en lui-même les caractères ontologiques de l’Être absolu (l’éternité, l’infinité, l’immutabilité…). Rien n’exclut donc a priori, comme tu le fais, l’existence d’un autre Être que l’Univers qui posséderait en lui-même tous ces caractères. Non seulement rien ne l’exclut, mais la raison humaine le postule nécessairement, car si l’Être absolu tombe, toute la réalité existante tombe aussi… les êtres existants n’ayant plus leur fondement dans l’être, mais dans le néant.

"Dieu ne créé pas les essences elles-mêmes, puisqu'il EST ces essences (par exemple, Il EST l'Amour). Or, tout ce qui est consubstantiel à Dieu ne peut pas être créé par Dieu."
C’est là qu’il faut bien distinguer les choses. Les réalités qui "émanent" de Dieu et qui font UN avec Lui sont consubstantielles à Lui. Elles sont divines par nature et possèdent en elles-mêmes tous les attributs de l’Être absolu : l’éternité, l’infinité, l’immutabilité,… On ne parle pas à leur sujet de "création" mais plutôt "d’engendrement" et de "procession". Ainsi, selon la foi chrétienne, Dieu engendre de toute éternité un Fils, et de leur relation mutuelle procède l’Esprit Saint. Voilà pourquoi Dieu est Amour dans son essence : parce que dans l’Unique réalité divine, il existe un mystère de communion entre trois personnes : l’Aimant (le Père), l’Aimé (le Fils) et l’Amour (le Saint Esprit). Voilà pourquoi l’Amour absolu existe : parce que Dieu existe et que Dieu est Amour.

Maintenant, Dieu créé aussi des essences qui ne sont pas lui – mais qui sont comme un reflet de son Être : les essences de notre espace-temps-matière, l’essence de notre propre être, lesquelles sont nécessairement créées puisqu’elles ne possèdent pas en elles-mêmes les caractères ontologiques de l’Être absolu (l’éternité, l’infinité, l’immutabilité…). Elles ne Lui sont donc pas consubstantielles. (Moi-même, je suis né le 7 septembre 1972, j’ai été conçu 9 mois auparavant, et avant ce moment, je n’existais pas : je ne suis donc pas divin, je ne suis pas consubstantiel à l’Eternel – je suis créé).

"Si l'Amour est qqch que Dieu EST, alors il ne peut pas être en même temps qqch que Dieu A." Dieu ne possède pas l'Amour comme si l'Amour était une chose étrangère à Lui. Il EST l'Amour, de manière substantielle, dans son Être même. Voilà donc pourquoi "celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu" : "puisque l’amour vient de Dieu" (1 Jn 4. 7).

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