Outre le cerveau et une capacité visuelle extrêmement développée sans laquelle il aurait difficilement pu acquérir beaucoup de connaissances sur le monde, l’homme dispose de l’outil de manipulation idéal : la main.
Aucun autre animal ne possède un tel organe, aussi magnifiquement adapté à l’exploration et à la manipulation intelligente de son milieu physique et de son environnement.
Aucun autre animal ne possède un tel organe, aussi magnifiquement adapté à l’exploration et à la manipulation intelligente de son milieu physique et de son environnement.
Les grands singes, nos plus proches cousins, sont ceux qui nous ressemblent le plus sur ce plan. Cependant, bien que la main du chimpanzé ou du gorille présente un pouce opposable aux autres doigts, elle est infiniment moins bien adaptée à la commande motrice fine. Aucun grand singe ne jouit d’une dextérité comparable à celle de la main humaine. La plus simple des tâches, comme peler une pomme ou taper sur un clavier d’ordinateur, représente un problème considérable pour un chimpanzé. En le voyant accomplir de tels exercices, on ne peut que s’amuser de sa maladresse. Même si le chimpanzé jouissait de l’intelligence humaine, de nombreuses tâches manipulatives complexes resteraient hors de sa portée, comme enfiler une aiguille, faire un nœud ou pratiquer la microchirurgie, faute d’une dextérité suffisante.
L’une des premières et plus passionnantes évocations de cette merveille adaptative qu’est la main humaine remonte au IIe siècle, avec le médecin romain Claude Galien : "A l’homme, seul animal à participer de la Divine Intelligence, le Créateur a donné, au lieu d’une arme naturelle ou d’un organe de défense, un instrument : la main, pouvant être employée à tout art en toute occasion".
Et Galien de poursuivre :
"Examinons (…) de près cet organe de notre corps, et demandons-nous non pas simplement s’il est utile à tous les desseins pouvant se rencontrer dans la vie et s’il convient bien à un animal doté de l’intelligence la plus élevée, mais plutôt si la totalité de sa structure n’est pas telle qu’elle ne pourrait être améliorée par aucune modification imaginable.
"En premier lieu, il possède au plus haut point la qualité première d’un organe destiné à saisir, puisqu’il peut s’appliquer aisément sur des corps de toutes formes et dimensions, susceptibles d’être mobilisés par la force humaine, et les tenir solidement (…). Et puisqu’il est divisé en doigts (…), il peut aisément saisir des corps plus gros que lui-même, tout comme il peut rechercher avec précision et retenir les plus petites particules de matière.
"En ce qui concerne les objets plus gros que lui-même, il peut généralement les entourer grâce à l’individualisation des doigts. Pour se saisir des touts petits objets, la totalité de la main n’est pas employée, mais seulement le bout des deux doigts, parce que ces minuscules objets s’échapperaient facilement si l’on voulait les saisir au moyen de la main entière (…). Les deux mains travaillant de concert représentent un outil universel encore plus impressionnant (…). Pensez à n’importe lequel de ces objets difficilement maniables, comme une meule ou une poutre, qu’un homme ne peut tenir qu’au moyen de ses deux mains ; ou pensez à l’un des plus petits objets tels qu’une graine de millet, ou un cheveu, ou une minuscule aiguille ; ou enfin, réfléchissez à la multitude des objets de toutes dimensions, des plus grands à ceux de taille moyenne et aux plus petits, parmi ceux que l’on a mentionnés ci-dessus ; et vous constaterez que les mains sont capables de saisir avec précision chacun d’eux, comme si elle avaient été faites expressément pour ne saisir que celui-là."
Galien souligne combien il est important que le pouce soit opposable aux autres doigts :
"Pour avoir une prise solide sur quelque objet que ce soit, il faut le saisir en l’entourant, ou au moins le saisir entre deux points opposés. Aucune de ces deux solutions n’aurait été possible si les cinq doigts avaient été positionnés dans le même plan. Mais cet objectif est parfaitement réalisable, simplement grâce à la position du pouce. Ce dernier est placé en tel endroit et avec exactement la capacité de mouvement nécessaire pour que, par une légère flexion, il puisse être facilement amené à coopérer avec n’importe lequel des quatre autres doigts."
Chaque détail de l’agencement de la main semble confirmer sa perfection adaptative. Songeons par exemple à la pointe des doigts, ainsi que l’explique encore Galien :
"Il est fort heureux que ces extrémités aient exactement les caractéristiques qu’elles ont, c’est-à-dire qu’elles soient charnues, arrondies et garnies d’ongles. Car si le bout des doigts était fait d’os et non de chair, nous ne pourrions pas saisir de minuscules objets tels que les épines ou les cheveux. Ou si elles étaient faites d’une substance plus molle et plus riche en eau, il en irait de même. Car pour qu’un objet puisse être fermement tenu, il est nécessaire qu’il pénètre légèrement dans le matériau constitutif de l’organe qui le maintient, et cette condition n’aurait pas pu être remplie si le bout des doigts avait été constitué d’un matériau osseux ou dur. Et d’un autre côté, un matériau trop mou s’affaisserait trop facilement au contact des objets que les doigts s’efforceraient de saisir, et ces derniers ne pourraient jamais les retenir (…). Puisque les substances réelles varient beaucoup dans leur degré de dureté, la nature a adapté la structure de l’extrémité des doigts à cette circonstance : car ils ne sont formés entièrement ni de chair, ni de la substance cornée composant les ongles, mais d’une combinaison très judicieuse des deux (…). Ainsi donc, la chair molle du bout des doigts compensant la nature rigide des ongles, et ces derniers constituant un soutien au matériau mou de la chair, cela permet aux doigts de tenir des objets de petite taille et de consistance dure."
Selon Galien, il n’est pas pensable que l’on puisse améliorer cet outil universel qu’est la main. Affirmation que semblent corroborer les plus récentes tentatives en robotique d’élaboration d’outils "manipulateurs" reproduisant les aptitudes de la main. Les spécialistes de l’automation n’ont pas toujours pas réussi à ce jour à construire quoi que ce soit qui ressemblât, fut-ce de loin, à la main humaine avec ses capacités de manipulation universelles.
Si l’on voulait expliquer la prééminence biologique de l’homme, la question cruciale ne serait pas tant de savoir si la main humaine représente le sommet absolu de la capacité manipulative, mais si quelque autre espèce possède un organe approchant cette aptitude. Or, force est de constater que la réponse est négative.
Comme le fait observer Michael Denton, biochimiste et généticien néo-zélandais : "la main procure à l’homme la possibilité non seulement de manipuler et d’explorer son environnement, mais aussi de construire toutes sortes d’outils et d’instruments, lesquels ont joué un rôle crucial dans l’élaboration de la science et de la technologie. L’homme n’aurait certainement pas pu progresser au-delà de la technologie la plus primitive, s’il n’avait pas eu la main. Le brillant avenir intellectuel de l’homme serait resté bloqué au niveau du paléolithique"…
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