Suite à la publication de mon article sur "L'orientation biocentrique de l'Univers", des lecteurs réagissent.
Commentaire n°1 posté par Miky
Cher Matthieu,
1°) "celui-ci n’est nullement accidentel, mais représente la conséquence déterminée et inévitable des lois de la nature." Fort bien, Denton le dit donc lui-même : tout cela est une conséquence déterminée et inévitable des lois de la nature. Donc si on a ces lois, on a l'organisation observée qui en découle. Par conséquent, pourquoi rajouter un Créateur ? Tu me diras peut-être : "mais qui a créé des lois pareilles ?" et je te répondrai : "qui te dit qu'elles n'existent pas de tout temps ?", car s'il est vrai que la matière s'organise au cours des temps et s'inscrit donc dans le devenir ; en revanche, la plupart des scientifiques et philosophes considèrent que les lois les plus générales de l'univers sont éternelles et immuables, certains pensent même qu'elles sont métaphysiquement nécessaires.
2°) "Toutes les apparences militent [donc] en faveur d’un cosmos profondément orienté dans le sens de la vie, c’est-à-dire 'biocentrique'." : Si la vie n'était pas apparue... Denton (et personne d'autre) n'aurait pas été là pour en conclure : "Toutes les apparences militent donc en faveur d'un cosmos non orienté dans le sens de la vie" ou "orienté dans le sens de la non-vie", donc l'argument n'en est pas vraiment un car il n'y a aucun moyen imaginable de le prouver faux. De plus, il s'agit d'une attitude profondément panglossienne. Parce que quelque chose est, on en infère qu'il devait être. Or rien ne nous autorise logiquement à passer de l'"être" au "devoir être". Comme toujours, il s'agit d'une question de foi/croyance et non de savoir/connaissance. Enfin, le raisonnement de Denton présuppose que la vie est plus remarquable ou spéciale ou de valeur qu'autre chose. Or cela ne va pas de soi. Le matérialisme, justement, présuppose que tout caractère remarquable, spécial et toute valeur n'existe pas par soi, mais est elle-même un produit contingent de l'évolution, et en particulier qu'elle dépend de l'existence d'être vivants conscients pour qui la vie aura ce caractère remarquable, spécial, valorisé. Or quoi de si étonnant qu'un être vivant accorde un caractère remarquable, spécial et valorisé à la vie dont il est très précisément une instanciation?
Si la vie n'avait pas existé, nul ne peut imaginer ce qui aurait pu peut-être exister à la place. Pourquoi ces autres choses auraient-elles été de moins de valeur, moins spéciales, moins remarquables ? D'ailleurs, même dans ce que l'on connaît dans notre monde et qui n'est pas vivant, on peut s'interroger également : Il ne faut pas faire de chauvinisme "biotique" :-) Le minéralogiste qui étudie les pierres exerce-t-il un métier moins noble que le biologiste qui étudie la vie ?
Réponse au Commentaire n°1
Cher Miky,
1°) Tu rebondis sur le raisonnement de Michael Denton en affirmant que la nature suffit par elle-même à expliquer l’univers qui nous entoure, en vertu des lois qui l’animent. Pas besoin de postuler l’existence d’un Créateur. Fort bien! Mais que la nature soit, et qu’elle soit précisément ce qu’elle est, cela ne te pose aucun problème? Que l’hydrogène et l’hélium puissent produire in fine l’intelligence humaine, la pensée et l’amour, ne soulève chez toi aucune question?
Tu évoques la question de l’éternité de l’univers, mais sur quelle base scientifique fondes-tu cette hypothèse ? Tu prétends que la plupart (sic) des scientifiques considèrent les lois de l’univers éternelles et immuables. Je serais bien curieux que tu me cites quelques noms.
2°) Tu dis que la vie est un produit contingent de l’évolution. Il s’agit là d’une appréciation tout à fait gratuite qui ne s’appuie sur aucune donnée scientifique positive, puisque l’on n’a jamais réussi à reproduire le phénomène de la vie en laboratoire à partir d’une matière non vivante (lire à ce sujet le très beau livre de Robert Shapiro, L’origine de la vie, Champs Flammarion, 1994). Nous sommes donc bien manifestement en présence d’un mystère, dont nos savants ont bien du mal à rendre compte, et qu'il n'est pas vraiment raisonnable de ranger dans la catégorie des "produits contingents de l'évolution".
Commentaire n°2 posté par Miky
Cher Matthieu,
1°) a) "Mais que la nature soit, et qu’elle soit précisément ce qu’elle est, cela ne te pose aucun problème? Que l’hydrogène et l’hélium puissent produire in fine l’intelligence humaine, la pensée et l’amour, ne soulève chez toi aucune question?" Si bien sûr. Mais toute question n'a pas forcément de réponse. Et toute question qui n'a pas de réponse n'est pas forcément telle parce que sa réponse serait inaccessible à l'humain. Certaines questions peuvent aussi ne pas avoir de sens, tout simplement, même si elles peuvent donner l'impression d'en avoir (car elles nous parlent intérieurement, qu'elles évoquent de profonds sentiments en nous). En l'occurrence, la nature (à condition de l'identifier à l'être) est par définition : l'existence existe, c'est un axiome de la raison. Il fallait bien qu'elle soit quelque chose. Qu'elle soit précisément ce qu'elle est n'est donc pas plus étonnant que si elle avait été autrement, car alors elle aurait été aussi (dans ce scénario fictif) précisément ce qu'elle est (mais autrement).
De plus, tu affirmes qu'un Créateur est nécessaire. Qu'un tel Créateur soit, qu'il soit précisément ce qu'il est, qu'il ait décidé de créer le monde, et de le créer de la façon dont il l'a créé, cela ne soulève chez toi aucune question?
b) "Tu évoques la question de l’éternité de l’univers, mais sur quelle base scientifique fondes-tu cette hypothèse ?" : J'évoque plus précisément la question de l'éternité (et de l'immuabilité) des lois de l'univers. Je ne base pas cela scientifiquement au sens strict (à la limite c'est une généralisation par induction). Mais c'est un postulat métaphysique communément admis au sein de la communauté scientifique car il fonde la démarche scientifique. Si les lois étaient chaotiques, la démarche scientifique serait impossible car on ne pourrait faire de prédictions.
2°) Un mystère peut-être provisoire. Même s'il devait s'avérer insoluble, ce n'est pas une raison pour introduire du transcendant là-dedans. Comme dirait Jean Bricmont : "les chiens ne comprennent rien à la mécanique céleste, mais ça ne prouve pas qu'il existe du transcendant". Le transcendant est toujours une hypothèse envisageable, mais je ne vois pas comment lui donner le statut de connaissance, dès lors qu'il reste tout à fait raisonnable d'admettre d'autres hypothèses non transcendantes.
Réponse au Commentaire n°2
Cher Miky,
1°) Tu affirmes qu’il fallait que l’existence soit quelque chose. En tant qu’existence, oui : l’être ne peut être du non être, on est bien d’accord. Mais fallait-il pareillement que l’être fût ? Et si oui, en vertu de quelle étrange nécessité ? C’est là la grande question, la question primordiale. Qui se pose d’autant plus que l’on sait aujourd’hui que notre univers n’a pas toujours existé - qu'il n'est donc pas nécessaire, mais contingent.
2°) Le monde aurait-il pu être autre ? C’est précisément ce que réfute Michael Denton. Pour lui, il apparaît clairement que l’évolution de la matière se fait dans un certain sens, du plus simple au plus complexe, et que cette montée vers la vie, puis vers l’homme, se fait non par accident, mais en vertu des lois mêmes de la nature. Dès lors, "l’impression du dessein est irrésistible".
3°) Tu observes de l’ordre dans l’univers (la présence de lois) dès l’origine : mais l’ordre n’est-il révélateur d’une certaine intelligence agissant dans l’univers?
4°) "Le transcendant est toujours une hypothèse envisageable, mais je ne vois pas comment lui donner le statut de connaissance dès lors qu’il reste tout à fait raisonnable d’admettre d’autres hypothèses non transcendantes" : c’est précisément le nœud du problème. J’aurai l’occasion d’exposer ultérieurement les raisons pour lesquelles je crois profondément que les autres hypothèses non transcendantes ne sont pas "raisonnables".
Commentaire n°3 posté par Hervé
"Michael Denton précise bien qu’aucune de ces données ne constitue une preuve catégorique de l’interprétation téléologique de l’évolution, mais la seule alternative non téléologique – la théorie darwinienne de la sélection naturelle – n’est pas convaincante."
Je ne comprends pas tout dans cet article, n'étant pas scientifique, mais cette dernière phrase me fait réagir. La Création du monde par Dieu ne contredit pas les travaux de Darwin (dont les théories étaient d'après Jean-Paul II "plus qu'une hypothèse"). Ce sont les fondamentalistes qui n'acceptent que le récit décrit par la Genèse. Je pense qu'après la Création, les éléments ont interagi entre eux à peu près comme le disait Darwin. Il ne faudrait pas caricaturer le darwinisme et en faire un antichrétien absolument opposé à la Création. La foi est compatible avec le raisonnement scientifique.
Réponse au Commentaire n°3
Tout à fait d'accord avec toi, cher Hervé!
Ce que Michael Denton remet en cause dans ce texte, ce n'est pas le phénomène de l'Evolution, c'est la théorie darwinienne de l'évolution des espèces par la sélection naturelle qui fait une large place au hasard – et qui n’est pas scientifique, mais métaphysique.
Michael Denton oppose pour sa part le dessein intelligent à la tentative d'explication par le hasard aveugle.
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