samedi 2 janvier 2021

Le commencement du monde


Devant les merveilles de l’univers, de l’infiniment petit de l’atome à l’infiniment grand du cosmos, l’esprit de l’homme se sent complètement dépassé dans ses possibilités de création, et même d’imagination.

Comment songer qu’une œuvre d’une telle grandeur puisse ne pas être le fait d’un Créateur Intelligent et génial dont la Sagesse transcende toute mesure, et dont la puissance est infinie ?

« Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » interroge l’humanité depuis la nuit des temps. « Sur le plan scientifique, déclare l’astrophysicien Hubert Reeves, nous sommes incapables de répondre. Après plusieurs millénaires, nous en sommes ici au même point que le premier chasseur préhistorique : au 0 absolu ! » 

Les sciences partent toujours d’un donné, préalable à toute connaissance, comme à toute expérience scientifique. Les sciences positives et expérimentales, la physique, la chimie, la biologie, comme les sciences humaines, partent d’un fait qu’elles n’ont pas fabriqué, qu’elles ont trouvé, qui s’impose à elle et sur lequel elles se penchent. Ce fait, ce donné, c’est l’existence même de l’univers. Tout scientifique, tout homme peut dire : il y a quelque chose en dehors de moi, qui existait avant moi et qui sera après moi

Mais d’où vient le donné ? Et qui est le donateur ? Voilà des questions auxquelles la science ne répond pas, mais qui se posent pourtant à la raison humaine. L’existence de l’univers pose problème, comme toute existence. « L’univers m’embarrasse, disait Voltaire, et je ne puis songer que cette horloge existe et n’ait point d’horloger ».

Le problème se pose avec d’autant plus d’acuité que les scientifiques savent aujourd’hui que ce monde n’a pas toujours existé ; qu’il a eu un commencement ; un point de départ avant lequel il n’existait pas, et après lequel il croît et se développe. La conséquence est que notre univers a un âge, que l’on estime aujourd’hui à 13,7 milliards d’années.

Au commencement de l’histoire de notre univers, il y a un évènement inexplicable, incroyable, mystérieux : le Big Bang. Une gigantesque explosion de lumière! Avec au commencement : un petit point imperceptible, beaucoup plus petit que la pointe d’une épingle, dans lequel se trouvait concentrée toute la masse de notre univers actuel, et où régnait une chaleur inimaginable : plusieurs milliards de milliards de degrés ! A 10-43 seconde du Big Bang, l’Univers avait un diamètre de 10-33cm et une température de 1032 degrés (imaginez…). Toute l’énergie qui existe aujourd’hui dans l’univers était présente dans ce point minuscule ; rien n’a été « ajouté » depuis.

Et puis… BOUM ! Sous l’effet de la déflagration, la matière a commencé de se disperser, à s’éloigner du point initial. Mouvement qui se poursuit aujourd’hui encore : c’est la théorie de l’univers en expansion. La température chute alors de plusieurs milliards de degrés par milliardièmes de secondes ! Plus la taille de l’univers augmente, et plus il se refroidit (comme dans une maison qui grandirait, mais dont l’énergie dépensée pour la chauffer serait la même).

Trois minutes après le Big Bang, la température s’élève à 1 milliard de degrés ; l’univers est une fournaise brûlante, une soupe chaude de particules qui commencent à se lier par l’intermédiaire de forces fondamentales, faisant apparaître les premiers noyaux, essentiellement de l’hydrogène et de l’hélium.

Entre une seconde et 300.000 années après l’explosion initiale, les températures et les densités sont encore trop extrêmes pour que la moindre des structures que nous observons aujourd’hui, galaxies, étoiles, et même atomes, puisse exister : c’était alors le règne de la lumière !  .

A 380.000 ans, la température est tombée à 3.000 degrés, suffisamment pour que la matière se libère de la lumière : les premiers atomes se forment alors, la lumière se met à filer droit devant elle. C’est cette première lueur que nous observons aujourd’hui sous le nom de « rayonnement cosmologique fossile ».

Après un milliard d’années, sous l’effet de la loi de la gravitation, les premiers rassemblements d’hydrogène gazeux ont donné naissance, en s’effondrant sur eux-mêmes, à des étoiles, puis à des groupes d’étoiles, puis à des galaxies. L’univers a déjà l’aspect filamenteux qu’on lui connaît aujourd’hui. Les premières étoiles explosent, ensemençant l’espace en éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium, permettant aux étoiles des générations suivantes d’être accompagnées d’un cortège de planètes parmi lesquelles, il y a 4,57 milliards d’années, notre planète Terre.

La théorie du Big Bang est une théorie scientifique aujourd’hui bien établie, peut-être même davantage encore que la théorie de l’Evolution des espèces vivantes. C’est pourquoi elle est très certainement – pour paraphraser le Pape Jean-Paul II au sujet de l’Evolution –, « plus qu’une théorie », tant les preuves empiriques s’accumulent en sa faveur.

Tout a commencé avec Einstein, et sa théorie de la relativité. En développant son modèle de gravitation dans lequel les masses courbent l’espace et déforment la trajectoire des rayons lumineux, Einstein avait envisagé l’expansion de l’univers. Mais l’idée lui paraissait si saugrenue et si contraire à toutes les observations de l’époque, que pour faire disparaître le problème, il eut l’idée d’ajouter dans ses équations une « constante cosmologique » dont l’unique fonction était de préserver la stabilité de l’univers en contrebalançant l’expansion. Einstein reconnaîtra plus tard que cela a été la plus grande erreur de sa vie…

En 1922, un jeune physicien russe, Alexandre Friedmann, publia un article décrivant, à partir des découvertes d’Einstein, des modèles d’univers en expansion. Friedmann avança en particulier que si la fameuse constante cosmologique d’Einstein était nulle, l’Univers pourrait avoir autour de 10 milliards d’années… Einstein réagit aussitôt en publiant une note dénonçant une erreur de calcul de Friedmann. Mais il finit par se rétracter : c’était lui qui avait commis une erreur de calcul, en croyant en déceler une dans l’article de Friedmann…

En 1927, un jeune physicien belge, Georges Lemaître, publia un article dans lequel il exposait le résultat de ses travaux : à savoir que les galaxies s’éloignent de nous de plus en plus rapidement à mesure qu’elles sont lointaines, en vertu du phénomène de l’expansion de l’univers. Mais Lemaître allait plus loin que Friedmann, en tirant toutes les conséquences de la théorie de l’expansion : il estimait en effet que si l’on inversait le mouvement de l’expansion de l’univers, et si l’on « rembobinait » le film de son histoire jusqu’à son début, on verrait alors toutes les galaxies se rapprocher les unes des autres jusqu’à un point unique. Il en conclu qu’à l’origine, toute la matière de l’univers était condensée en un « atome primitif » qui explosa. Cette découverte lui valu les railleries d’Einstein (qui affirma ses conclusions« du point de vue de la physique tout à fait abominables ») et de l’astrophysicien Fred Hoyle (qui en le voyant arriver à un colloque en Californie, s’exclama plein d’ironie : « This is the Big Bang man » ! C’est d’ailleurs de là qu’est venue l’expression « Big Bang »…).

En 1925 toutefois, après avoir démontré que certaines des nébuleuses de l’univers en forme de spirale étaient situées en dehors de notre galaxie, l’astronome Edwin Hubble put mesurer, grâce au télescope de 2,5 mètres de diamètre du mont Wilson, le spectre des galaxies, et se rendre compte qu’elles s’éloignaient toutes de nous à grande vitesse (en vertu de « l’effet Dopler » selon lequel le spectre des ondes émises par un corps en mouvement se rapprochant de lui est décalé dans un sens, et le spectre des ondes émises par des objets s’éloignant de lui est décalé en sens inverse – comme une ambulance qui fait un bruit différent selon qu’elle s’approche ou s’éloigne de vous). Pour les ondes lumineuses, le spectre des objets se rapprochant est décalé vers le bleu ; celui des objets s’éloignant vers le rouge. Or, à l’exception des galaxies les plus proches, les spectres de toutes les galaxies se révélaient à l’observation décalés vers le rouge... Hubble énonça donc la loi qui porte son nom, selon laquelle plus une galaxie est éloignée de nous, plus elle s’éloigne rapidement. Il publia ses travaux en 1929, soit… deux ans après l’article de Lemaître !

Un quatrième homme fit son entrée en scène quelques années plus tard : le russe George Gamow, disciple de Friedmann. Il estima que si le Big Bang avait eu lieu, un rayonnement de fond « résiduel » devait exister ; que si toute l’énergie de l’univers était présente au moment du Big Bang, cette énergie – qui avait conféré une température incroyable à « l’atome primitif » – devait chauffer l’ensemble de l’univers. En 1950, il prédit ainsi l’existence d’un rayonnement fossile provenant du Big Bang, baignant l’univers dans une température minimale de 3 kelvins (- 270° C).

En 1965, les astronomes Arno Penzias et Robert Wilson construisirent un radiotélescope pour améliorer leur communication avec les satellites. Un mystérieux bruit de fond parasitait leur instrument. Après avoir supprimé toutes les causes d’interférence, les scientifiques durent se rendre à l’évidence : le bruit était toujours là. Il s’avéra que leur « bruit de fond » correspondait à un rayonnement baignant tout l’univers d’une température de… 2,7 kelvins ! Le murmure du Big Bang venait d’être détecté. Ce rayonnement identique provenant de toutes les directions à la fois ne pouvait s’expliquer que si toutes les régions de l’univers avait une origine commune, la forme particulière du rayonnement (celle d’un « corps noir parfait ») démontrant par ailleurs que l’univers était passé par une phase très dense et extrêmement chaude.

Le Big Bang était donc établi, et « donnait à la notion de Création une base scientifique », selon les termes mêmes de l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan. L’univers en effet n’est pas infini, ni dans le temps ni dans l’espace, comme on aurait pu s’y attendre : il a eu un commencement avant lequel il n’existait pas et après lequel il croît en taille par le phénomène de l’expansion.

Comment le Big Bang a-t-il pu se produire ? Comment du néant (absence d’espace, de temps, de matière) une gigantesque explosion a-t-elle pu libérer une telle densité de matière et d’énergie au point de donner notre univers ? Et d’où viennent cette matière et cette énergie (la petite pointe d’épingle originelle) ?

Là, les scientifiques s’avouent incapables de répondre : il s’agit pour eux d’une énigme. Il est impossible, nous disent-ils, de savoir ce qui s’est passé en deçà de 10-43 seconde après le Big Bang : nous touchons là aux frontières de la connaissance scientifique (le fameux « Mur de Planck »). Savoir ce qui s’est passé avant le Big Bang n’a pas de sens pour un scientifique, puisque le donné sur lequel s’exerce l’activité scientifique n’existait pas.

Faut-il pour autant renoncer à s’interroger sur le mystère de l’origine de l’Univers ? Non bien sûr, car la science n’est pas la seule discipline rationnelle à nous donner une connaissance objective de la réalité. Là où les sciences montrent leur limite, la métaphysique peut prendre le relais et poser à l’origine de l’univers quatre hypothèses de départ, les seules possibles, parmi lesquelles la raison pourra trancher, selon ce qui lui paraît le plus crédible :

1°) ou bien le Big Bang n’a pas de cause : il s’est produit comme cela, sans raison ;
2°) ou bien le Big Bang a sa raison d’être dans l’état antérieur au Big Bang lui-même (que l’on ne connaît pas) ;
3°) ou bien le Big Bang a sa raison d’être en lui-même : il s’est en quelque sorte donné lui-même l’existence ;
4°) ou bien le Big Bang a sa raison d’être ailleurs qu’en lui-même : c’est l’hypothèse d’une cause transcendante, d’une Création par Dieu.

La première option est absurde : elle suppose qu’il puisse y avoir des effets sans cause. On peut le croire, si l’on veut. Mais ce n’est guère rationnel.

La deuxième option fait fit de la réalité objective en présupposant qu’il y avait quelque chose avant le Big Bang. C’est un postulat purement gratuit, qui ne repose sur rien, sur aucune donnée physique ; une pure supposition. Quiconque voudrait s’en prévaloir aurait à assumer la charge de la preuve. En outre, elle ne résout rien, en ce qu’elle n’explique pas comment ce « quelque chose » (qui n’est pas vivant ni intelligent, par définition) a pu provoquer l’explosion primordiale du Big Bang, organiser l’univers au moyen de la gravitation, et conduire son évolution de l’hydrogène et l’hélium à des formes de plus en plus complexes d’arrangements moléculaires, jusqu’à l’apparition de la vie, et la vie de l’homme avec son cerveau, sa conscience et son intelligence réflexive… Elle serait bien étrange cette matière qui s’auto-organiserait ainsi, de manière si rationnelle et intelligible, et qui créerait sans cesse de nouvelles formes, de nouvelles structures, de nouveaux organes... Pour valider cette option, il faudrait reconnaître à la matière une intelligence propre, et un pouvoir de création tout à fait étonnant… On serait alors en plein panthéisme.

La troisième option est du même niveau que la première, tout simplement absurde. Comment un esprit raisonnable peut-il admettre que le Big Bang se soit produit tout seul ? Pour qu’un être qui a commencé temporellement d’exister puisse se donner l’être à lui-même, il faudrait qu’il ait conçu sa propre existence et qu’il ait eu le pouvoir de la réaliser en acte… avant même d’exister ! – ce qui est impossible. Un être qui a commencé d’exister ne peut donc avoir sa cause en lui-même.

La quatrième option est indiscutablement la plus raisonnable et la plus compatible avec l’enseignement scientifique. Elle s’appuie sur la réalité de l’univers telle que nous la décrivent les sciences positives, sans rien y ajouter ni rien présupposer (comme l’éternité ou l’intelligence de la matière). Elle pose que le constat simple que si l’univers existe, et s’il a eu un commencement, c’est qu’il a été créé par un autre être que lui. Pour que l’univers commence d’exister, il a fallu l’intervention d’un Créateur ; pour que l’explosion primordiale du Big Bang se produise, il a fallu l’action d’un grand artificier. Avouons que toute autre explication défie la raison. Si vous mettez des allumettes à côté d’un bâton de dynamite, jamais le bâton de dynamite n’explosera si quelqu’un n’allume pas la mèche. A fortiori si les allumettes et le bâton de dynamite n’existent pas...

L’existence d’un donné nous conduit donc directement et nécessairement à Dieu. Parce que l’univers, le cosmos, la nature, le soleil et la terre n’ont pu se faire tout seul. Et de la même manière qu’il a fallu un ouvrier pour bâtir la maison dans laquelle je suis et d’où je vous écris, de même, il a fallu pour la Création du monde l’intervention d’un Être, c’est-à-dire de quelqu’un ou quelque chose qui était avant que le monde fut, et qui se distinguait à la fois du néant qui, par définition, n’est pas, et de l’univers qui, par hypothèse, n’existait pas encore. Cet Être transcendant, intelligent et souverainement puissant, n’est autre que Dieu, celui-là même qui se révéla à Moïse en affirmant : « Je suis Celui qui suis » (littéralement : « celui qui était », « celui qui est » et « celui qui sera » : l’Être, tout simplement)  .

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