Après avoir discuté longuement avec Miky sur la question de savoir s’il existait ou non des raisons de croire, et achevé notre observation de l'univers dans sa grandeur et sa profondeur intime, je souhaiterais revenir sur une parole du pape Benoît XVI prononcée à Rome le jeudi 6 avril 2006. Le Saint Père rencontrait les jeunes, place Saint-Pierre, en préparation à la Journée mondiale de la Jeunesse qui avait lieu cette année-là dans les diocèses le dimanche des Rameaux. Au cours de cette rencontre, cinq jeunes ont posé des questions au Pape. Dont la suivante sur le rapport entre la foi et la science – les mathématiques en particulier.
Question de Giovanni : "Saint-Père, je m'appelle Giovanni, j'ai 17 ans, je fais mes études au Lycée scientifique technologique Giovanni Giorgi à Rome et j'appartiens à la paroisse Santa Maria Madre della Misericordia. Je vous demande de nous aider à mieux comprendre comment la révélation biblique et les théories scientifiques peuvent converger dans la recherche de la vérité. Nous sommes souvent conduits à croire que la science et la foi sont ennemies entre elles ; que la science et la technique sont la même chose ; que la logique mathématique a tout découvert ; que le monde est le fruit du hasard, et que si les mathématiques n'ont pas découvert le théorème-Dieu, c'est tout simplement parce que Dieu n'existe pas. En somme, surtout lorsque nous faisons nos études, il n'est pas toujours facile de tout ramener à un projet divin, sous-jacent à la nature et à l'histoire de l'Homme. Ainsi, parfois, la foi vacille ou se réduit à un simple acte sentimental. Moi aussi, Saint-Père, comme tous les jeunes, j'ai soif de Vérité : mais comment puis-je faire pour harmoniser la science et la foi ?"
Réponse du Pape Benoît XVI : "Le grand Galilée a dit que Dieu a écrit le livre de la nature sous forme de langage mathématique. Il était convaincu que Dieu nous a donné deux livres : celui des Saintes Ecritures et celui de la nature. Et le langage de la nature – telle était sa conviction – c’est les mathématiques, qui sont donc un langage de Dieu, du Créateur.
Réfléchissons à présent sur ce que sont les mathématiques : en soi, il s'agit d'un système abstrait, d'une invention de l'esprit humain, qui en tant que tel, dans sa pureté, n'existe pas. Il est toujours réalisé de manière approximative, mais – en tant que tel – c’est un système intellectuel, une grande invention géniale de l'esprit humain.
La chose surprenante est que cette invention de notre esprit humain est vraiment la clef pour comprendre la nature, que la nature est réellement structurée de façon mathématique et que nos mathématiques, inventées par notre esprit, sont réellement l'instrument pour pouvoir travailler avec la nature, pour la mettre à notre service, pour l'instrumentaliser à travers la technique.
Cela me semble une chose presque incroyable qu'une invention de l'esprit humain et la structure de l'univers coïncident : les mathématiques, que nous avons inventées, nous donnent réellement accès à la nature de l'univers et nous le rendent utilisable.
La structure intellectuelle du sujet humain et la structure objective de la réalité coïncident donc : la raison subjective et la raison objective dans la nature sont identiques.
Je pense que cette coïncidence entre ce que nous avons pensé et la façon dont se réalise et se comporte la nature est une énigme et un grand défi, car nous voyons que, à la fin, c'est "une" raison qui les relie toutes les deux : notre raison ne pourrait pas découvrir cette autre, s'il n'existait pas une raison identique à la source de toutes les deux.
Dans ce sens, il me semble précisément que les mathématiques – dans lesquelles, en tant que telles, Dieu ne peut apparaître –, nous montrent la structure intelligente de l'univers.
Certes, les théories du chaos existent également, mais elles sont limitées car si le chaos prenait le dessus, toute la technique deviendrait impossible. Ce n'est que parce que notre mathématique est fiable que la technique est fiable. Notre science, qui permet finalement de travailler avec les énergies de la nature, suppose une structure fiable, intelligente, de la matière. Et ainsi, nous voyons qu'il y a une rationalité subjective et une rationalité objective de la matière, qui coïncident.
Naturellement, personne ne peut prouver – comme on le prouve par l'expérience, dans les lois techniques – que les deux soient réellement le fruit d'une unique intelligence, mais il me semble que cette unité de l'intelligence, derrière les deux intelligences, apparaît réellement dans notre monde. Et plus nous pouvons instrumentaliser le monde avec notre intelligence, plus apparaît le dessein de la Création.
A la fin, pour arriver à la question définitive, je dirais : Dieu existe, ou il n'existe pas. Il n'existe que deux options.
Ou l'on reconnaît la priorité de la raison, de la Raison créatrice qui est à l'origine de tout et le principe de tout – la priorité de la raison est également la priorité de la liberté ;
Ou l'on soutient la priorité de l'irrationnel, selon laquelle tout ce qui fonctionne sur notre terre ou dans notre vie ne serait qu'occasionnel, marginal, un produit irrationnel – la raison serait un produit de l'irrationalité.
On ne peut pas en ultime analyse "prouver" l'un ou l'autre projet, mais la grande option du christianisme est l'option pour la rationalité et pour la priorité de la raison. Cela me semble une excellente option, qui nous montre que derrière tout se trouve une grande intelligence, à laquelle nous pouvons nous fier.
Mais le véritable problème contre la foi aujourd'hui me semble être le mal dans le monde : on se demande comment il peut être compatible avec cette rationalité du Créateur. Et ici, nous avons véritablement besoin du Dieu qui s'est fait chair et qui nous montre qu'Il n'est pas une raison mathématique, mais que cette raison originelle est également Amour.
Si nous regardons les grandes options, l'option chrétienne est également aujourd'hui la plus rationnelle et la plus humaine. C'est pourquoi nous pouvons élaborer avec confiance une philosophie, une vision du monde qui soit fondée sur cette priorité de la raison, sur cette confiance que la Raison créatrice est amour, et que cet amour est Dieu."
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